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MYSTERE DANS LES LABOURS, Un roman Ă  1000 mains
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king
  Ecrit le: mercredi 21 novembre 2007, 18:50


Demi Dieu de l'Ordre de la Pie


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- T'en penses quoi de tout ce remue ménage à propos des élections mon cadet ? fit Pichon à Chambier, occupé à quatre pattes sous les fougères à ramasser les cèpes du carré qu'il venait de trouver ...

- Regarde moi celui là! répondit l'apnéiste-mycologue en montrant sa trouvaille, deux oeufs et une omelette pour quatre ! Tu disais quoi Ernest ?

- Je disais que ça devient le bazar dans le bourg, des panneaux qui défigurent le paysage, des poignées de mains poisseuses, des sourires forcés, puis ce n’est pas fini, il y a la moitié du bled qui va se présenter si ça continue.

- Bah ... Faut voir le bon coté des choses, à chaque nouveau sur la liste, c'est au moins trois tournées à l'oeil chez Dufermage !

- Oui, ben il n'est pas perdant dans l'histoire vu que lui aussi il se présente. Tu me diras que s'il amnistie tout le monde s'il est élu et qu'il fasse sauter les ardoises en compte, je vote pour lui ...

- Ah ben ça c'est une belle parole et je vote pour toi mon blaireau ! s'exclama Chambier en levant son panier plus que plein par dessus les fougères.

- Baisse toi ! En parlant de blaireaux, regarde: les Nemrod de Paname, il viennent promener leurs fusils et tirer leurs clebs, on fait le canard, j'ai pas envie de me faire trouer l'épiderme et les cèpes c'est pas pour leurs bottes !

- Ah regarde, il y a ce vendu de Lapilule avec eux, c'est vrai qu'il s'est maqué avec ces viandards, passe moi tes bretelles !

- Encore ? Tu ne me les pètes pas comme les dernières ! Bon c'est pour la bonne cause, regimba Pichon.

Le temps de d'accrocher les bretelles à la fourche d'un pin et de ramasser quelques branches, l'arrosage commença ! Les deux vieux bien rodés à cet exercice, l'un bandant à fond les bretelles, et l'autre plaçant une branche ou une pierre dans celles-ci, le spectacle des branches tournoyant au dessus des têtes des chasseurs dans un fracas et Pichon imitant le bruit du faisan au décollage ...
Quatorze coups de feu plus tard, la fumée se dissipa, mais les deux compères étaient déjà bien loin, hilares.

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Jadis il Ă©tait un roi elfe
Un seigneur de l'arbre et des vallons
Quand l'or Ă©taient les rameaux printaniers
Dans LOTHLORIEN la belle

Du mât à la mer , on le vit s'élancer
Comme la flèche de la corde
Et plonger dans l'eau profonde
Comme la mouette en vol

Le vent Ă©tait dans ses cheveux flottants
Sur lui brillait l'Ă©cume
De loin , ils le virent fort et beau
S'en aller, glissant tel un cygne

Mais de l'ouest n'est venu aucun message
Et sur la rive Citérieure
Nulle nouvelle n'ont plus jamais entendu
Les elfes d'AMROTH




ni bâton renifleur, ni couronne


j'Ă©tais lĂ  ... avant ...maintenant ailleurs, et bien content d'y ĂŞtre !

un roi est passé ....
 
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Sap1
Ecrit le: jeudi 22 novembre 2007, 09:13


RĂ©volutionnaire piscicole


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L’échéance des dépositions de candidature approchait. Pas moins de douze noms figuraient d’ores et déjà sur la liste, et à ceux de Poileux, qui briguait son sixième mandat consécutif, d’Alain Alakebard et d’Albert Dufermage, s’étaient notamment ajoutés ceux de Firmin Moulière, qui malgré son âge très avancé ne désespérait pas de reprendre sa place d’élu à St Marcelin-sur-Poulaire ; de Firmin Pitagueul, arguant principalement qu’en tant que premier adjoint actuel, il était le plus au fait de l’administration de ce village ; ou de Michel Grondin, qui avait un programme assez solide reposant sur l’aide à l’accès à l’éducation, à la rénovation de la bibliothèque, à l’établissement d’un parc informatique conséquent… mais qui ne pensait qu’à l’aura que dégagerait cette place de responsabilités auprès de la gent féminine.

Gaston Chambier et Ernest Pichon, comme à chaque fois depuis un demi-siècle, postulaient également pour ce poste. Mais comme personne à St Marcelin n’était assez fou pour voter pour l’un des deux croulants autrement que sous la torture ou l’emprise particulièrement sévère de l’alcool – discipline où, justement, les deux compères ne souffraient d’aucune concurrence sérieuse – Chambier n’avait jamais obtenu plus d’une voix, et Pichon, héroïquement soutenu par sa femme (qui se voyait sans doute première dame de France…), plafonnait à deux voix…

Il fut donc décidé cette année là, à la suite d’âpres discussions entre les deux « élus » et leurs « administrés » – Haut-Médoc, Chablis, pastis, whisky et liqueurs en tous genres – que seul Ernest Pichon se présenterait afin de ne pas diluer les intentions de votes de leurs électeurs. Leur programme, car il était entendu qu’ils faisaient campagne commune, se voulait particulièrement accrocheur : abolition de la tradition de la nuit des grisoulines, source d’embêtements pour l’ensemble du village (même si eux seuls attiraient les foudres de tous les lutins farceurs du canton…), interdiction de l’usage des deux-roues motorisés dans tout le village, couvre-feu pour les jeunes à 20 H, destruction du gîte communal, extension de l’ouverture de la cueillette des escargots à l’ensemble de l’année, gratuité du permis de pêche en première catégorie « Poulaire et affluents » pour les élus locaux, etc.

Les deux ancêtres s’apprêtaient à fêter autant qu’à promouvoir leur programme au DN2P quand leurs oreilles furent assaillies par des hourras montant du bar de Dufermage.

- Vive Isidore ! criait Jésus Avéquevou, notoirement connu dans le village pour changer d’avis aussi vite qu’un Chambier sobre et assoiffé descendrait une Suze sans défense.

- Lapilule président ! scandait Fidèle Oposte, qui n’avait rien compris de l’enjeu des débats en cours.

- Tous avec le P.O.U.L.A.I.R.E ! clamait Jean-Loup Peupahune, particulièrement intéressé par le slogan.

Au Definitively New Deux Piliers, le "Parti Objectif et Utile pour la Liberté de l’Agriculture et l’Initiative de la Rente et de l’Epargne" faisait un tabac. Le banquier était le seul à s’être soucié de ce que pouvait vouloir dire ce sigle. Pourtant, tous semblaient soudainement captivés par le charisme d’un homme appartenant à un parti politique que le « hasard » faisait correspondre à la géographie locale, en même temps que touchés par les malheurs dont Isidore était accablé. Ce dernier n’avait aucune idée révolutionnaire ni novatrice, n’avait pas de slogan, ne proposait rien de particulier pour la commune pas plus que pour ses habitants. Il réclamait juste « le droit personnel et inaliénable à la propriété et à la sécurité de la possession ». L’histoire ne dit pas où il avait appris cette phrase. Mais les habitants, qui n’y entendaient rien à ces termes abscons, furent néanmoins touchés par l’histoire du pauvre Isidore, honnête travailleur qui s’était fait dérober les économies de toute une vie d’un labeur éprouvant, lesquelles éconocroques avaient été cachées dans une épave d’une guerre à laquelle il avait survécu, enfant, etc.

Les jours avançant, il était clair que Lapilule, à la tête de son POULAIRE, était en train de prendre une sérieuse option pour le siège de la mairie. Catherine ne le reconnaissait plus. Une fois de plus, le « vol » des économies de son mari l’éloignait d’elle. Rapidement germa dans la conscience de la ménagère le remords d’un crime inavoué, dont était en train de profiter Isidore. Et quand elle lui expliquait qu’elle ne supporterait pas l’idée que l’homme occupant le plus de responsabilités à St Marcelin-sur-Poulaire était un menteur, Isidore, noyant le poisson, répliquait que si Pichon se présentait, il ne voyait pas pourquoi lui s’en priverait !

Ainsi, au matin de l’avant-veille de l’échéance des dépositions de candidature, Catherine Lapilule se présenta au 3 de la Rue Jean Moulin.

- Bonjour Madame.

- Bonjour, répondit Catherine. Serait-il possible de parler au chef Perret s’il-vous plaît ?

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Sap1, 189ème membre de l'Ordre du Hibou, Grand Protecteur des Cistes Etoilées, Dépositaire des Cistes Vendéennes Disparues, Détenteur du Baston d'Alvaronne, inscrit à Cisthématique et chargé du cadastre/annuaire de Saint Marcelin-sur-Poulaire

Si vous voulez aider les astronomes d'une façon ludique, c'est ici !!!

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castafiore
Ecrit le: jeudi 22 novembre 2007, 23:06


RĂ©volutionnaire piscicole


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Le Maréchal des Logis Chef sortait de son bureau. Il n’avait pas encore mis sa veste et portait un gilet pare-balles.

- Bonjour Madame Lapilule, dit-il en voyant Catherine, qu’est-ce qui vous amène ? Du nouveau à propos du vol ?

- Je veux faire une déposition, répondit simplement la petite bonne femme qui se tenait devant lui un cabas à la main.

- Entrez, mais je n’ai pas beaucoup de temps, je dois aller à la Cité, il y a encore des embrouilles.

Il fit passer Catherine devant lui et la poussa gentiment dans son bureau. Il lui montra une chaise mais elle ne voulut pas s’asseoir et déposa son sac sur le bureau.

- Qu’est-ce que vous avez là ? dit Perret.

- Ouvrez, répondit Catherine.

Perret prit le sac l’ouvrit, une forte odeur de thé le fit éternuer. Il saisit un portefeuille en cuir, l'ouvrit puis leva la tête et dirigea son regard vers la femme d’Isidore.

- C’était donc vous, dit-il en s’asseyant lourdement sur son siège. Comment avez-vous fait ça ?

Et Catherine raconta tout. Les bottes étaient celles de son frère, la chemise appartenait à un ancien ouvrier agricole, elle avait répandu le contenu d'une bouteille de whisky pour détourner les soupçons et elle avait eu tellement peur qu’elle avait… mais il n’était pas nécessaire d’en dire plus.

- Et les lettres OM ? demanda Perret qui voulait avoir l'assurance de ne pas commettre une erreur judiciaire.

- J'ai laissé échapper la boîte de thé O'Malley, dit Catherine imperturbable.

Perret eut la satisfaction d'avoir vu juste dans toutes les hypothèses émises pour trouver le coupable mais n'en revenait pas de tant de machiavélisme dans un aussi petit cerveau. L'espèce humaine avait encore beaucoup à lui apprendre, pensa-t-il.

Tout était clair à présent. Perret fit entrer un gendarme pour consigner les aveux. Puis il la mit en garde-à-vue.

La carrière municipale d’Isidore était bien compromise désormais.

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Participe à la promotion de Cisthématique : 200 nouveaux abonnés à Noël... et plus si affinités...
La marquise demanda sa voiture et se mit au lit.
Lectrice émerveillée de "Mystères dans les labours"
J'ai adopté la BAttitude et clique où il faut quand il faut.
http://www.weblettres.net/blogs/index.php?...capdebonneesper
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David GILLE
Ecrit le: vendredi 23 novembre 2007, 11:38


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Puis ce fut au tour d'Isidore. Le maréchal des logis chef Perret lui signifia qu'il serait sans doute mis en examen pour complicité et recel.

- Qu'est-ce que je risque ? demanda Isidore.

- Le vol entre époux n'existe pas aux yeux de la loi. Mais vous serez sans doute condamné pour nous avoir fait cavaler, mes hommes et moi, aux quatre coins du canton pendant des mois. C'est le juge qui décidera, mais si j'avais à parier, je dirais que vous allez écoper d'une peine de prison avec sursis et de trois mille Euros d'amende, répondit Perret.

- Trois mille Euros ?... Cette idiote me fait plonger de trois mille Euros ? Je... je... Je vais la tuer !!!

- Dans ce cas, ce sera vingt ans de réclusion. Sauf si vous pensez à effacer vos empreintes, bien sûr...

Lapilule et sa femme furent remis en liberté en attendant leur procès. De retour à la ferme, Isidore avala un grand coup de cognac pour calmer le tremblement de ses mains. Puis il changea les piles de son Sonotone et se tourna vers Catherine, laquelle n'avait encore pipé mot. Il grinça :

- Non seulement tu as essayé de me voler mes économies, mais maintenant, tu me trahis ! Et dire que je t'avais pardonné !... Silence, femme ! Car il s'agissait bien de MES économies, et non des tiennes ! Qu'as-tu fais pendant toutes ces années pour mériter le moindre centime, à part cuire la soupe, traire les vaches, nettoyer la porcherie, repiquer les salades, ramasser les betteraves et donner à manger aux poules ? Rien ! Silence, femme !... J'aurais dû écouter ma mère : elle m'avait conseillé de me méfier lorsque tu as prétendu être enceinte pour que je t'épouse, alors que tu es plus stérile qu'un couvercle de chiottes passé à l'eau de Javel ! Et quand tu m'avais fait une scène parce que j'avais peloté les seins de cette serveuse au bar du camping, lors de notre voyage de noces à Bourac, j'aurais dû me douter que tu me rendrais la vie impossible ! Silence, garce !... Ah, c'est bien vrai, depuis Adam et Eve, le malheur arrive toujours par les fumelles ! Vous avez été créées pour nous emmerder ! Vous ne vous intéressez à rien d'autre qu'à vos robes et à votre coiffure, au lieu de vous passionner pour les choses importantes de la vie, comme par exemple les voitures, le foot et les femmes ! Et dire que je t'ai donné mes plus belles années ! En 1967, je t'avais même acheté un compteur bleu; puis, dans les années 70, un lave-linge Indesit, et, dans les années 90, un micro-ondes et un jeu de casseroles Tefal ! Tout ça, pour te rendre heureuse ! Silence, vipère !... Et quand tu avais attrapé le tétanos en réparant la clôture du pré, qui t'a préparé une tisane tous les soirs, hein ? Moi !... Et quand tu t'es tranché l'artère fémorale avec la scie sauteuse, qui a appelé le médecin ? Encore moi ! Tu es une ingrate, Catherine ! Une égoïste !.. Et au lit ? Parlons-en : tu lis les programmes télé pendant que je te besogne !

Catherine, qui, en allant se dénoncer, voulait empêcher son mari de se présenter aux élections, venait de réaliser que son initiative allait avoir des suites judiciaires. C'était l'une des choses les plus bêtes qu'elle avait jamais faites, elle s'en rendait compte maintenant. Elle gardait les yeux baissés, avec un air de soumission qui, pensait-elle, amadouerait Isidore. Mais l'autre était lancé :

- Tu viens de me faire perdre au moins trois mille Euros, espèce d'idiote, vache folle, femme d'ivrogne ! Je me demande ce que je vais faire de toi !... Il y a trois possibilités : soit je te hache menu sur place à coups de serpette et je donne ta viande à bouffer aux corbeaux; soit je divorce, et tu iras nettoyer les pare-brise aux feux rouges pour gagner ta croûte; soit ton nez va m'aider à rentrer dans mes sous. Qu'est-ce que tu préfères ?

- Ben... Euh... Le nez, fit-elle d'une voix contrite.

- Alors fini, les truffes. On raconte qu'il y aurait pas mal de pièces d'or et d'argent dans les champs : tu vas me servir de détecteur de métaux ! Et si tu renifles une odeur de pétrole, tu me le dis aussi. En place, on commence tout de suite !

Catherine Lapilule s'allongea Ă  plat ventre sur le sol. Isidore lui attrapa les pieds et la dirigea ainsi, telle une brouette, Ă  travers les labours.

- Et je te préviens : t'as pas intérêt à t'enrhumer ! menaça-t-il.




Au DN2P, on commentait la culpabilité des Lapilule. Les consommateurs se divisaient en trois catégories : il y avait ceux qui pardonnaient à Isidore, le plaignaient, et souhaitaient qu'il hache menu Catherine à coups de serpette puis donne sa viande à bouffer aux corbeaux. Il y avait ceux qui l'avaient cru innocent et lui en voulaient de les avoir roulés dans la farine; et il y avait ceux qui refusaient de voter pour lui, sachant que s'il était condamné, il perdrait sa place de maire si, entretemps, il était élu. Personne n'avait envie de retourner aux urnes deux fois à quelques mois d'intervalle...

- NE VOTEZ PAS FUTILE, VOTEZ UTILE : VOTEZ DUFERMAGE ! brailla le patron du bistro.

- DAVANTAGE DE PEPETTES AVEC MOULIERE AUX MANETTES ! hurla Firmin Moulière.

- NE VOTEZ PAS CON, VOTEZ PICHON ! s'Ă©cria Ernest, qui avait toujours eu le sens des formules.

- Ce Lapilule, je l'ai toujours trouvé fourbe ! commenta Chambier à voix haute pour que tout le monde l'entende, espérant ainsi donner du poids à la candidature de son acolyte.

Fidèle Oposte, le fossoyeur, acquiesça :

- Astabistouille ! (Ce qui, en patois Grimouillirois, voulait dire : "Je veux, mon neveu !" ou : "Tu l'as dit, bouffi !")

- De toute façon, je me demande bien comment un glaiseux de par chez nous a pu mettre de côté trente mille Euros en soixante ans, surenchérit Pichon, perfide. M'est avis qu'il pillait des troncs.

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king
  Ecrit le: vendredi 23 novembre 2007, 21:51


Demi Dieu de l'Ordre de la Pie


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- Ah ben tiens, quand on parle du loup, on y voit les dents, fit Anatole le tambour de ville en regardant par la vitrine, regardez ce qui passe ...

La fourgonnette de la gendarmerie venait de tourner devant la place et remontait la rue Béole, tractant le canon à goulash, qui plus est un jour de marché.

- bah la tirelire est vide, et tu parles d'une tirelire fit Chambier, faut- t -y ĂŞtre le roi des cons pour aller mettre son bas de laine dans une remorque de frigolin... Albert rhabille la gamine, c'est pour moi... C'est comme si moi je mettais mes Ă©conocroques dans mes cages Ă  lapins ... Lapin... Cage...TUDJU quel con ...

-Oh Gaston, ne te sauve pas je ne t'ai pas resservi, cria Dufermage sur le pas de la porte, à l'intention de Chambier qui venait de traverser le marché en courant, qu'est ce qui t'arrive ?

- Pas le temps, marque sur l'ardoise, je voterai pour toi, répliqua Chambier en pensant à l'amnistie .

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king
Ecrit le: samedi 24 novembre 2007, 00:11


Demi Dieu de l'Ordre de la Pie


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Ne voyant pas son compère revenir, Pichon décida d'aller voir de quoi il retournait. Chambier était dans le jardin aux prises avec ses lapins, mais quels lapins! Trois fois la taille du géant des flandres de concours !

- Acré vindju ! c'est quoi ces marcassins ? fit Pichon

Chambier était occupé à les repousser jusqu'à la basse cour, protégé derrière une tôle qu'il manoeuvrait comme une muletta .

- Viens m'aider, s'écria le matador en repoussant un mâle gros comme un veau .

- Mais c'est quoi ce délire ? répondit Pichon éberlué.

- Ben rappelle toi cet été , le tour de France, les arrosoirs de pisse et les méga citrouilles ... bon, mais vu le tas de fanes que ça a fait, ça fait une semaine que j'ai mis mes lapins là dessus avant les labours ... Regarde, ils ont tout bouffé !

- Oui mais tu as vu la grosseur ? rien que dans les oreilles de celui lĂ  tu tailles une paire de guĂŞtres, sans parler de la peau ... et tes cages Ă  lapins, c'est mĂŞme pas la peine d'y compter, il n'y rentreront mĂŞme pas !

- Merde c'est vrai et ....et regarde moi celui la qui en profite que je ne le regarde pas pour couvrir une lapine, j'aurais votre peau !

-Ah...... la peau de lapine, tu va te faire des burnes en or ! s'esclaffa Pichon.

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Et plonger dans l'eau profonde
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David GILLE
Ecrit le: samedi 24 novembre 2007, 10:35


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chamix
Ecrit le: samedi 24 novembre 2007, 10:47


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Pichon s'était empressé d'aller chercher sa boîte à images pour immortaliser la scène !...

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N°2777 : de sept à soixante dix-sept !...
 
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David GILLE
Ecrit le: samedi 24 novembre 2007, 10:59


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Pichon et Chambier avaient posé l'une des bestioles dans une brouette et s'étaient rendus chez Anatole Devison, le marchand de peaux de lapin. En découvrant le monstre, Devison avait eu un mouvement de recul :

- C'est quoi, ce truc ?...

- Un lapin ! fit Pichon.

- Je vois bien que c'est un lapin ! répondit Devison. Mais qu'est-ce qui lui est arrivé ?

- Il ne lui est rien arrivé. C'est une nouvelle race que j'ai créée, après de longues recherches génétiques ! répondit Chambier en se rengorgeant.

Devison s'approcha prudemment de l'animal et demanda :

- Il mord ?

- Tu rigoles ? Il est aussi doux qu'un mouton !

- Et aussi gros ! C'est un cauchemar, c'tte bête ! Tu devrais le faire courir dans le tiercé de Longchamps, dimanche.

- Bon, assez causé. Combien tu me paierais pour une peau de ce gabarit-là, Totole ?

- Faut voir...

- C'est tout vu : j'en veux cent Euros pièce, dit Chambier. Prix non négociable. En échange, je voterai pour ta liste aux municipales. Alors, tu es d'accord ? Tope-la.

Il se serrèrent la main, geste qui, dans le Grimouillirois, valait contrat.

Sur le chemin du retour, une Mercédès noire, occupée par deux hommes, s'arrêta à leur hauteur. Le conducteur mit pied à terre et se dirigea vers eux. Le crâne dégarni, le nez chaussé de grosses lunettes à monture d'écaille, il portait un costume croisé sombre en harmonie avec la couleur de sa voiture, et une élégante cravate bleue. Arrivé à deux mètres de la brouette, l'homme fit un saut en arrière et dit :

- Mon Dieu ! On dirait un veau avec de longues oreilles ! Il a été nourri au maïs transgénique ?

Pichon, qui avait remarqué que la voiture était immatriculée dans le 75, mit instantanément sa bonne éducation en mode "attaque" :

- Q' vous voulez ? Ce lapin-ci n'est pas à vendre, ni même à louer ! La seule chose qui soit à louer chez nous, c'est Dieu ! Grâce Lui soit rendue d'éloigner de nous les Parisiens, Marseillais, et autres emmerdeurs !

- Amen ! fit Chambier.

- Messieurs, fit l'homme, permettez-moi de me présenter : maître de Couturiaire, avocat à la Cour de Paris. Je cherche des renseignements à propos d'une affaire qui s'est déroulée dans votre village, il y a une soixantaine d'années...

- Quelle affaire ?

L'avocat tira de sa poche une coupure de presse et la tendit aux deux compères. Ils la reconnurent immédiatement : c'était l'article en date du 19 juin 1947 que Chambier avait également trouvé aux archives de la Gazette, et qui relatait la chute de Maurice Molard dans la grange des Courtecuisse.

- Avez vous entendu parler de cette histoire à l'époque ? demanda maître de Couturiaire.

- Ouaip ! fit Chambier. Pourquoi ?

- Eh bien, l'une des personnes responsables de ce malheureux fait divers est mon passager. Il s'agit d'un riche homme d'affaires, monsieur Kyska Slageulenski. En 1947, il louait ses services comme saisonnier et ouvrier agricole dans la région, en compagnie de trois de ses camarades, Polonais comme lui. Dans la nuit du samedi au dimanche 15 juin 1947, ils ont fait une grosse bêtise...

- Nous sommes au courant, fit Pichon. L'un d'eux a violé Josiane Courtecuisse, une douce et ravissante jeune fille, et un autre a précipité son soupirant, Maurice Molard, dans le vide. Il a atterri directement dans une chaise roulante, chaise roulante dont il n'est plus jamais ressorti ! Ah, c'est du propre !

- Justement, mon client a vécu toute sa vie avec ses remords. Il est retourné en Pologne après la chute du mur et y a fait fortune dans l'import-export. Maintenant, c'est un vieux monsieur. Il voudrait réparer...

- La chaise roulante de Maurice Molard n'a pas besoin d'être réparée ! l'interrompit Pichon. On croit rêver !

- Vous me comprenez mal, fit maître de Couturiaire : monsieur Slageulenski est le... euh... la personne qui a eu des relations sexuelles euh... non-consentantes avec cette jeune fille, dont vous venez de m'apprendre le nom. Il veut lui faire un gros chèque, ainsi qu'à monsieur Molard. Savez-vous où je peux les trouver ?

- Oui.

- Où ça ?

- Sous une dalle, au cimetière !

- Oh, voilà qui est bien fâcheux...

- Oui, surtout pour eux ! répondit Chambier. En général, on ne s'en remet pas. C'est très humide, paraît-il.

- Maurice Molard et cette Josiane Courtecuisse avaient-ils de la famille ? demanda maître de Couturiaire.

- Molard a un frère, Augustin. Mais il est dans un asile de fous. Josiane Courtecuisse a un fils, répondit Pichon.

- Puis-je savoir de qui il s'agit ? demanda l'avocat.

- Non. Faut d'abord qu'on lui cause.

De Couturiaire ouvrit son portefeuille et en tira un bristol :

- Voici ma carte avec mon numéro de portable. Nous sommes descendus à l'hôtel California, à Marcilly-sous-Charmoise. Nous y restons trois jours. Appelez-moi lorsque vous aurez parlé à cette personne.





Grâce au pif infaillible de sa femme, Isidore Lapilule avait récolté des kilos de pièces de monnaie dans les labours. Une boîte à chaussures pleine. Mais ignorant leur valeur, il s'était rendu avec Catherine chez Michel Grondin, l'instituteur, qui était le seul à avoir quelques connaissances numismatiques.

- Je sais que nous sommes adversaires politiques, Monsieur Grondin, et que nous nous présentons tous les deux aux élections. Néanmoins, accepteriez-vous de jeter un oeil sur ces pièces et m'indiquer leur valeur ?

- Pas de problème, Monsieur Lapilule, répondit Grondin en lorgnant sur les rondeurs (pourtant déjà flétries et bien amorties) de Catherine. Entrez...

Il examina les pièces une à une, consulta des ouvrages, se connecta sur le web, puis saisit sa calculette.

- A vue de nez, il y en pour quatre Ă  cinq mille Euros...

- Hein ?... fit Lapilule, les yeux écarquillés. Vous êtes sûr ?

- Affirmatif ! Et encore, je ne compte pas ces médailles et autres objets, qui peuvent avoir un intérêt archéologique...

- Ça alors, je n'en reviens pas ! Ma femme et moi, on a trouvé ça en une journée ! Vous savez ce que je vais faire ? Je retire ma candidature aux municipales, et je voterai pour vous ! Catherine et moi, on va continuer à chercher des pièces, pas vrai, la mère ?






Germain Poileux déprimait. Attablé au DN2P en compagnie de Chambier et Pichon, le coude sur la table et le menton dans la paume de sa main, il dit :

- Je ne sais pas si je vais pouvoir maintenir ma liste. Une campagne, ça coûte cher. Avec tous les abrutis qui se présentent contre moi cette année, je n'y arriverai pas sur le plan financier...

- Vaut mieux entendre ça que d'être sourd ! répondit Pichon.

- Je ne dis pas ça pour vous, père Pichon. Tout le monde sait que vous et votre équipe de branquignols n'avez aucune chance, et que vous vous présentez pour passer le temps et emmerder le monde. La dernière fois, même vos colistiers n'ont pas voté pour vous !... Non, je parle de ceux qui veulent réellement prendre ma place, qui veulent me déboulonner. Même Firmin Pitagueul se présente contre moi !... C'est une catastrophe.

- Mais pourquoi donc ? Si tu n'es pas Ă©lu, ce ne sera pas la mort du petit cheval ! fit Chambier. Tu feras autre chose, voilĂ  tout.

- J'ai des terres, mais ça fait des siècles que je ne les ai pas exploitées, par manque de temps. Elles sont en friche. Je n'ai aucune ressource, car, pour vous dire la vérité, j'ai reversé une partie de mes émoluments de maire au budget du village, pour financer l'équipe junior de chichourle, et la crèche. Je n'ai plus un rond. Or, même si je touche une petite subvention pour les affichettes électorales, ça ne suffit pas. Avec le nombre de candidats cette année, il va falloir faire imprimer des prospectus, louer le DN2P pour faire des meetings, payer des tournées, etc... Si je ne suis pas élu, je serai dans la dèche.

Une voix s'Ă©leva au fond du bistrot :

- Alors, Germain, paraît que tu as encore changé de camp ?...

Poileux se tourna vers l'importun :

- Pendant toute ma vie, j'ai été membre du PMRM ! Aujourd'hui, je suis...

- Aujourd'hui, tu es un enfoiré !!! le coupa la voix.

- Vous voyez ? fit Poileux Ă  l'attention de Chambier et Pichon. La bataille sera terrible. Ils veulent tous ma peau !

- Bon, je retire ma candidature, fit Pichon, grand seigneur. Et je vais demander à mes colistiers de voter pour toi. Après tout, il faut reconnaître que si tu es une tête de cochon, tu as toujours été un bon maire.

Gaston se pencha vers Poileux :

- Tu sais ce qu'il te faudrait, Germain ?

- Quoi donc, père Chambier ?

- Du sponsorinje ! Avec du sponsorinje, tu pourrais faire imprimer des affiches de quatre mètres sur trois et des prospectus; tu pourrais distribuer des porte-clés, faire réaliser des sous-bocks à ton effigie, louer une voiture avec hauts-parleurs; et surtout, surtout, payer des tournées afin que les gens votent pour toi.

- Et oĂą voudriez-vous que je trouve du sponsorinje ?...

- Nous, on veut bien s'en occuper, pas vrai, Ernest ?

- Pour sûr, mon cadet ! Mais on ne pourra pas le faire pour des clopinettes. Ça demandera pas mal de travail...

- Combien ça me coûterait ? demanda Poileux.

- Mettons vingt pour cent de la somme récoltée.

- Dix pour cent ! fit Poileux.

- Quinze pour cent ! répondit Pichon.

- C'est bon. D'accord.

Pichon sortit un papier sa veste et le posa devant Poileux, qui lut Ă  haute voix :

- "Je soussigné Germain Poileux, ci-devant maire de St Marcelin-sur-Poulaire, m'engage par la présente à reverser aux citoyens Pichon Ernest et Chambier Gaston une commission solidaire de quinze pour cent..."

Il leva le nez et regarda les deux compères :

- Y a pas à dire, vous êtes de bons négociateurs. Vous aviez prévu le coup !

- Les affaires exigent une vision Ă  long terme ! fit Chambier. C'est comme en politique : faut savoir anticiper !

Poileux poursuivit sa lecture :

- "... une commission solidaire de quinze pour cent sur les sommes qu'ils m'apporteraient directement ou indirectement".

- Tu signes lĂ , fit Pichon.

Poileux s'exécuta. Pichon héla Dufermage :

- Albert, je peux utiliser ton téléphone ?

- Oui, si tu promets de voter pour moi.

- C'est promis.

Pichon chiffra le numéro de maître de Couturiaire.

- Maître, fit-il, notre contact veut savoir quel sera le montant de son chèque. Ce n'est qu'à cette condition qu'il acceptera de vous rencontrer...

- Un million d'Euros ! répondit l'avocat.

- Un... un... un... million d'Euros ? Je vous ai bien compris ? Combien de zéros ça fait, sur un chèque, ça ?

- Six.

- Bon, ramenez-vous. On vous attend au Definitively New Deux Piliers, le troquet de St-Marcelin.

- Nous serons lĂ  dans une heure, promit de Couturiaire.

Pichon retourna s'asseoir à la table et annonça :

- C'est bon, Germain. Ton sponsorinje est assuré !

- Combien ? demanda Poileux.

- Un million d'Euros !

Poileux, qui était en train de vider son verre de bière, cracha tout dans la nuque de Julien Collune, assis à la table d'à côté.

- Combien ? demanda-t-il lorsqu'il retrouva sa voix.

- Un million ! fit Pichon. Te voilà l'homme le plus riche de la région ! Avec ça, tu peux même te présenter aux législatives !... Prépare la commission pour Gaston et moi : soixante-quinze mille chacun ! Et merci d'avoir fait appel à nos services !

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Tioo
Ecrit le: dimanche 25 novembre 2007, 19:19


RĂ©volutionnaire piscicole


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Pendant ce temps-là, au 37 Route de Grimouillis, Catherine Lapilule consultait l’annuaire...

Tout bien considéré, le procès qui s’annonçait pourrait, si elle était assez fine, être la chance de sa vie... la possibilité de changer de vie... On y revenait ! Sa tentative de rester aux côtés de son vieux compagnon avait été dès le départ vouée à l’échec ! Il était trop mauvais, cet homme-là...

Son abruti d’Isidore, malgré tout ce qu’elle avait fait pour lui, n’avait en fin de compte rien compris : laid à faire peur, sourd et bigleux, il était de surcroît redevenu la grosse brute qui la malmenait depuis si longtemps ! Brute ou larve, elle ne voulait ni de l’une, ni de l’autre !
Non content de l’avoir spoliée d’une partie des revenus de toute une vie, tout en la faisant trimer comme une folle, il la traînait maintenant dans la boue, dans tous les sens du terme, se moquant d’elle auprès des deux parasites du village dès qu’elle avait le dos tourné, et lui maintenant le nez dans les sillons à la recherche de piécettes depuis qu’il avait découvert son « don »... Comme il l’avait traitée depuis qu’elle lui avait rendu ses sous ! Ah, il était dur à avaler, Lapilule ! Et puis fielleux, avec ça ! Jamais un mot gentil, jamais un geste tendre, des coups de pied au cul et les tâches les plus ingrates...


Alors si elle pouvait faire valoir toutes ces années de souffrance, si elle était capable de décrire par le menu les sévices subis, si le jury pouvait la comprendre, il était impossible qu’on la laisse entre les griffes de cette ordure. Elle pourrait se défaire de lui, et peut-être même obligerait-on Isidore à lui verser la moitié de ses économies, en plus d’une petite rente...

Mais pour cela, il lui fallait un avocat compétent, qui fasse bonne impression aux membres du jury... Une femme serait plus apte à leur faire comprendre les douleurs endurées...

Son doigt s’arrêta sur une ligne :
-Maître Javel, Aude, avocat à la cour... L’encart sur la page de droite avançait : « Vous sortirez blanchi... »

- C’est tout fait ça... pensa Catherine...
 
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David GILLE
Ecrit le: mardi 27 novembre 2007, 02:34


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- Un jury ??? fit maître Aude Javel. Non, non, il n'y aura pas de jury ! Vous n'allez pas aux assises, Madame Lapilule ! Vous n'avez tué personne ! Vous êtes poursuivie pour avoir incité les gendarmes à effectuer une enquête indue. Ce n'est pas un crime, mais un délit. Donc pas de jury...

- Ah ?... fit Catherine, désappointée.

Maître Aude Javel était une petite femme boulotte et remuante, qui fumait des cigarettes papier maïs. Elle avait écouté l'histoire avec attention, en prenant des notes.

- Vous serez face au président du tribunal, continua-t-elle. Vous devrez le convaincre que vous avez volé l'argent parce que votre mari ne vous donnait rien à manger.

- Ah ?... Mais il ne m'a jamais empêchée de manger ! C'est même moi qui mange le plus.

- Oui, mais vous devez vous présenter comme une victime. Et vous direz qu'il vous battait. Car il vous battait, non ?

- Oui. A la belote, régulièrement. Et au scrabble...

- Vous ne m'aidez pas beaucoup, Madame Lapilule... Il ne vous a jamais donné des coups ?

- Ben si, quand même ! Mais seulement des coups normaux : des coups de pieds au derrière, quoi. Comme tout le monde...

Oui, mais Madame Lapilule, ce n'est pas un procès contre votre mari : c'est un procès de la gendarmerie contre vous ! Et votre mari est poursuivi pour complicité... Si vous voulez vous en prendre à lui, demandez le divorce et chargez-le ! Et ce jour-là, je vous conseille d'envoyer un jambon de sa part au juge : c'est la meilleure façon de gagner un procès !

- Ah ?... fit Catherine, de plus en plus désappointée.

- Vous devez trouver une excuse valable pour avoir volé cet argent, Madame Lapilule.

- Ben oui. Je l'ai pris pour me payer la chirurgie esthétique et partir au bout du monde avec un Chippendale...

- Surtout, ne dites pas ça devant le tribunal : vous écoperiez du maximum ! Il faut dire que vous aviez peur de votre mari et que vous aviez faim et froid. Il faut émouvoir le président.

- C'est ça, la justice ? Il faut mentir ? s'étonna Catherine Lapilule.

- Ben évidemment ! Qu'est-ce que vous croyez ? rigola Maître Aude Javel. S'il suffisait d'être honnête et de dire la vérité pour être relaxé, ça se saurait !

Catherine poussa un soupir qui fit s'envoler une dizaine de papiers du bureau de son interlocutrice. Elle répondit :

- Bon. Puisque la faim justifie les moyens, je dirai qu'Isidore m'affamait, et que j'ai volé ces trente mille Euros pour pouvoir me payer de temps en temps un sandwich aux rillettes...

- Non, Madame Lapilule : pas aux rillettes, ça fait trop riche et trop calorique. Vous direz : "au camembert". Et aussi, vous ajouterez que vous vouliez acheter un caleçon Damart pour soigner vos rhumatismes.

- Bon, c'est d'accord.

- Et, Madame Lapilule...

- Oui ?

- Surtout, n'appelez pas le président "Votre Honneur", comme dans les séries américaines ! Les juges détestent ça. Vous l'appellerez "Monsieur de président".

- Ah ?... fit encore Catherine, en déficit d'exclamations interrogatives. Et quand ce procès aura-t-il lieu ?

- Dans six à huit mois. Votre mari et vous serez convoqués.

Catherine quitta l'étude de maître Javel très déçue. Ce futur procès lui semblait minable. Elle s'était attendu à quelque chose de beaucoup plus grandiose, de plus excitant.

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David GILLE
Ecrit le: mardi 27 novembre 2007, 13:46


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Lorsque Maître de Couturiaire et son client passèrent la porte du DN2P, tout le monde demeura interdit : Kyska Slageulenski était le portrait craché de Germain Poileux, avec vingt ans de plus ! C'était hallucinant !

Poileux ouvrait de grand yeux alors que les deux hommes s'assirent Ă  leur table.

- Mince alors, dit-il. On dirait mon frère aîné ! Qui sont ces personnes ?

- Voici maître de Couturiaire, avocat, et son client monsieur Kyska Slageulenski, répondit Pichon.

Les hommes se serrèrent la main. Poileux et Slageulenski ne parvenaient pas à se quitter des yeux. Le premier, parce qu'il croyait voir un sosie un peu plus âgé que lui; le second parce qu'il réalisait qu'il se trouvait face à son fils.

- C'est une longue histoire... commença Chambier.

Il raconta tout.

Au fur et à mesure, les yeux de Poileux s'écarquillèrent encore plus. Il écouta le récit en silence, la bouche entrouverte. Ce que Chambier et Pichon lui apprenaient dépassait l'entendement ! Ainsi, feue Josiane Courtecuisse, la bonne du curé, était sa mère, violée en 1947 par l'homme qui se trouvait présentement en face de lui. Officiellement né de père et de mère inconnus, Polieux était donc le fruit de ce viol; et les deux compères, Pichon et Chambier étaient au courant et ne lui avaient rien dit !

Pour la première fois, Kyska Slageulenski parla :

- Monsieur Poileux, je vis avec ce cauchemar depuis soixante ans. Si je suis venu à St Marcelin, c'était pour rechercher ma victime et lui demander pardon. Je ne connaissais pas son nom. Ce sont ces deux messieurs (il désigna Pichon et Chambier) qui l'ont révélé à maître de Couturiaire, lui apprenant également son décès et votre existence.

Il ouvrit les bras :

- Dans mes bras, mon fils !

- HĂ© ho, minute papillon !... fit Poileux en reculant. Pour l'instant, j'ai surtout envie de vous foutre mon poing dans la gueule ! Comment avez-vous pu faire une chose pareille ? Surtout Ă  Josiane Courtecuisse, qui Ă©tait la femme la plus moche du canton ? C'Ă©tait une absolue horreur, mĂŞme les chiens s'enfuyaient sur son passage ! Fallait vraiment avoir envie !

- Elle était atroce, confirma Chambier. Après son opération de chirurgie esthétique, ça allait un peu mieux, mais on lui voyait les coutures...

- Il faisait noir et on avait bu, expliqua Slageulenski.

Poileux hocha la tête et lâcha :

- Ah bon. Je comprends. Dans ce cas, c'est moins grave. Je me disais aussi...

- Voyez les choses sous cet angle, intervint l'avocat : si Monsieur Slageulenski n'avait pas violé Josiane Courtecuisse ce soir-là, vous ne seriez pas assis aujourd'hui à cette table !

- Ni Ă  une autre ! fit Chambier en vidant son verre.

- Etant donné que votre maman est décédée, poursuivit l'avocat, c'est à vous que Monsieur Kyska Slageulenski va établir le chèque qu'il lui destinait, puisque vous êtes son fils. Pas besoin de test ADN, il suffit de vous regarder, tous les deux !

- Vous pouvez me rappeler le montant de ce chèque ? demanda Germain Poileux.

- Un million d'Euros, répondit Kyska Slageulenski.

- Dans mes bras, mon père !





Avec ses soixante-quinze mille Euros de commission, Chambier fit construire des cages de la taille d'un garage pour chacun de ses lapins, auxquels il avait donné le nom de "Colosses de St Marcelin". Les visiteurs se pressaient. Il demanda cinq Euros d'entrée, avec une réduction pour les enfants des écoles et les groupes. Quant à Pichon, il fit agrandir son étable et acheta à sa femme un mixer Kenwood.

Grâce à sa fortune nouvellement acquise, Poileux put assurer sa campagne électorale. Contre pièces sonnantes et trébuchantes, il réussit à persuader tous les autres postulants (sauf Grondin, l'instituteur) de retirer leur candidature. Il loua les services d'une fanfare et arpenta les rues du village, juché sur une remorque. Chaque espace mural vide était recouvert d'une affiche avec le slogan : "Germain Poileux, un maire heureux !", slogan qui, s'il ne promettait pas un avenir radieux aux électeurs, les informait tout de même que leur édile avait retrouvé le sourire.

Il fit également courir le bruit que chaque personne qui déposeraient un bulletin dans l'urne recevrait un bon pour une caisse de Châteauneuf-du-Pape. Grâce à cette initiative intelligente, tous les inscrits se présentèrent à la mairie dès neuf heures du matin. Pour l'occasion, on avait même amené le doyen du village, Hector Boyau, 104 ans, sur une civière. En déposant son bulletin dans l'urne, guidé par la main de son fils, l'ancêtre s'exclama en patois, seule langue qu'il connaissait :

- Octod'jus ! Pensiou qué l'Germain l'était connou comme ad'balai, mais reconnou qu'il a parfouè ad'bonnes idées !

Lorsque le dépouillement des bulletins fut achevé, on communiqua les résultats : le maire sortant, Germain Poileux, était reconduit dans ses fonctions à l'unanimité des votants, moins une voix.

Porté par les hourras et les vivats, Poileux entraîna tout le monde au DN2P pour un rince-cochon. Ce fut du délire. Même Ali Gator, Kay Man, Odile Croc et le gars Vial, ses plus ardents détracteurs jusque là, lui faisaient une ovation !

Pourtant, les acclamations ne semblaient pas lui faire plaisir. Chambier s'en aperçut le premier et demanda :

- Ben que se passe-t-il, gamin ? Tu en fais, une tĂŞte !

- Vous savez pas quoi, père Chambier ?... Je viens de réaliser à l'instant même que je n'avais pas besoin de me représenter, puisque je suis riche maintenant. J'aurais pu couler des jours tranquilles à la Barbade ! Je dois être un peu stupide !

- Ben tu sais, la Josiane, elle n'était pas seulement moche, elle était aussi très con. Probable que tu en as hérité un peu...

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David GILLE
Ecrit le: mercredi 28 novembre 2007, 19:39


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Chambier et Pichon, hommes de goût, détestaient les émissions de télé animées par des types vulgaires. C'est pourquoi ils ne regardaient que Dechavanne, Cauet, Ardisson et Arthur (ce dernier étant, de plus, particulièrement intelligent et cultivé). Et aussi Michel Drucker, mais pour d'autres raisons : quand il disait "Formidable !" ou "Magnifique !", on savait tout de suite que ce qu'on venait de regarder était formidable ou magnifique. Et quand il gloussait derrière sa main en tressautant, on savait que l'invité venait de dire une chose drôle. C'était très pratique, pas besoin de réfléchir. Le téléspectateur, dans la douce torpeur de sa digestion dominicale, n'avait qu'à suivre ses instructions et faire comme lui.

Les deux compères étaient vautrés au DN2P, en train de regarder "Vivement Dimanche". Drucker annonça :

- Son premier CD est dans les bacs, et fait un tabac ! Voici, pour la première fois à la télévision, Maud... HERFOKEUR ! On l'écoute !

Chambier vociféra en agitant l'index vers le téléviseur :

- La pute !!!... LĂ  ! C'est la pute !...

- Quelle pute ? demandèrent Pichon et Dufermage.

Chambier, le doigt toujours pointé, répondit :

- C'est la poufiasse, j'vous dis ! Comment elle s'appelle, déjà ?... Martine Crétine... Non, c'est pas ça. Euh... Ella Brutie... Non, c'est pas ça non plus... Zut ! Aidez-moi, vous autres ! Voyons, c'est cette fumelle qui est repartie avec l'équipe de tournage pour faire carrière à Paris ! La pute, quoi !... La petite-fille d'Elsa Dorsa, celle qui couchait avec tous ces hippies dans les années soixante !...Vous savez bien, quoi !

- Ah, Lydie Ott ! fit Dufermage. Tu es sûr que c'est elle ?

- Et comment ! C'est elle, je te dis !

Dufermage pinça les paupières et se pencha vers le téléviseur. Puis il acquiesça :

- Oui, tu as raison, c'est bien Lydie Ott ! Ça alors ! Vous avez vu sa dégaine ?

Lydie Ott avait les yeux cerclés de noir, les lèvres peintes en vert et les cheveux hirsutes, retenus par des fils de fer. Elle se penchait vers la caméra et remuait bêtement les mains en braillant sur un ton linéaire et saccadé :

St Marcelin-sur-Poulaire, yo ! C'est là que je suis née, à St Marcelin.
Un trou minable, puant et pourri, un patelin entouré de blés
Là-bas les gens sont bêtes, méchants et se parfument au purin
Ceux qui vont y faire un tour n'ont qu'une idée : en décamper.

Un jour, on m'a dit : Maud, casse-toi de lĂ 
Quitte St Marcelin, tu vaux mieux que ça.
C'est la zone, ce coin, tu ne résisteras pas,
Viens chez nous, Paris t'ouvre les bras.

St Marcelin-sur-Poulaire, yo ! C'est là que je suis née, à St Marcelin.
Un trou minable, puant et glauque, un patelin de tarés
Là-bas les gens sont bêtes, méchants et sentent le crottin
Ceux qui vont y faire un tour n'ont qu'une idée : en décamper.

Toute seule, j'ai pris le train pour monter Ă  la capitale
Laissant derrière moi vaches, cochons et chevals.
Par la fenêtre j'ai vu défiler Limoges, Nice, Montargis,
Vesoul et Brest, pour voir enfin les lumières de Paris.

St Marcelin-sur-Poulaire, yo ! C'est là que je suis née, à St Marcelin.
Un trou minable, puant et pourri, un patelin de dégénérés.
LĂ -bas les gens sont bĂŞtes, crades et jamais ne se lavent le popotin,
Ceux qui vont y faire un tour n'ont qu'une idée : en décamper.

Je me suis fait tatouer la panse,
Et clouer un diams lĂ  oĂą je pense
Aujourd'hui, dans la musique je me lance,
Ouaiiiiis, car le rap, c'est ma chance.

St Marcelin-sur-Poulaire, yo ! C'est là que je suis née, à St Marcelin.
Un trou minable, puant et pourri, un village habité par des fêlés
Là-bas les gens sont bêtes, cruels et battent leurs bébés et leurs chiens,
Ceux qui vont y faire un tour n'ont qu'une idée : en décamper.



"Magnifique !" fit Michel Drucker après le dernier coup de cymbales.



- Y pas à dire, fit Chambier : les paroles sont bien ! Elle un sacré bon parolier...

- En effet, répondit Pichon. Et les rimes sont riches.

- Oui. J'ai surtout aimé celle avec "capitale" et "chevals"... En tout cas, pour le business, c'est excellent : on va voir débarquer les touristes par cars entiers. Je vais augmenter les droits d'entrée pour la visite de mes clapiers !

- A propos de clapiers, sais-tu que Los Clapéros viennent à nouveau de changer de nom ? Ils reprennent leur ancienne appellation : Ed Clapier Jr et les Céréales Killers. Albert voudrait les avoir pour le réveillon. Pas vrai, Albert ?

- Affirmatif. J'ai l'intention d'organiser une soirée au DN2P.

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king
Ecrit le: mercredi 28 novembre 2007, 23:22


Demi Dieu de l'Ordre de la Pie


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- Mais t'as vu ce qui dégringole ? Et ça ne s'arrêtera pas...

- Oui, et le thermomètre qui descend plus vite que la bouteille de rhum ! fit Chambier en réponse à Pichon, qui venait se chauffer les mains sur le brasero.

- Encore une douzaine de tables à rentrer, une cinquantaine de chaises et on va aller se faire chauffer la couenne à l'intérieur devant un bon grog, répondit Pichon.

Une partie du village oeuvrait pour le réveillon de la St Sylvestre. La météo n’était pas très clémente. C’était "un temps de saison" pour les gens du cru, mais chacun y allait de sa tâche.

- Faudrait saler la place, le parking et les marches, clama Albert, les mains en porte voix. La neige continue de tomber et cela ne va pas s'arrĂŞter...

- Pour ce qui est de saler, j'ai eu mon compte à la naissance ! fit Chambier. J'ai été baptisé avec une queue de morue et ça donne soif !

- Z'êtes pas fous, les deux zouaves ? Et débardeur en plus ! Vous allez attraper la crève. Rentrez ! ordonna Albert

- QUEL ZOUAVE ? J'étais première classe au 12e régiment de spahis, moi monsieur ! rétorqua Pichon .

- Spahis, zouaves, peu importe, je ne voudrais pas avoir votre mort sur la conscience le dernier jour de l'année. Allez à l'intérieur, c'est chauffé. Vous aiderez à agencer les tables. Allez vous faire servir un coup au bar, il y a du Viandox...

- C'est ça, grommela Chambier, et pourquoi pas une caisse de suppositoires ? Viens-t-en, Ernest, il y a mieux que le Viandox : ils sont en train de préparer le ponche !

Au fond du bar, une estrade avait été montée afin d'accueillir le groupe phare du grimouillirois, Ed Clapier et les Céréales Killers. Un poster géant du lapin primé de Chambier avait été tendu en fond. L'orchestre installait le matos, faisait quelques réglages, plaquait quelques semblants d'accords, et enfin entreprit de faire un boeuf... Pour ce qui était de faire l'âne, je vous le donne en double : aux premières notes, nos deux comparses se rapprochèrent de la scène et squattèrent la première table juste devant, un verre de punch à la main.

- C'est-y quoi que tu vas nous jouer main'nant mon gars ? demanda Chambier en s'adressant au chevelu avec un manche et quatre cordes.

-S' moque on ze watts / heure! dit Pierre Pol.

Les deux ancêtres se figèrent. Bouche bée et les yeux aussi ronds que des soucoupes, ils laissèrent échapper leurs verres.

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Jadis il Ă©tait un roi elfe
Un seigneur de l'arbre et des vallons
Quand l'or Ă©taient les rameaux printaniers
Dans LOTHLORIEN la belle

Du mât à la mer , on le vit s'élancer
Comme la flèche de la corde
Et plonger dans l'eau profonde
Comme la mouette en vol

Le vent Ă©tait dans ses cheveux flottants
Sur lui brillait l'Ă©cume
De loin , ils le virent fort et beau
S'en aller, glissant tel un cygne

Mais de l'ouest n'est venu aucun message
Et sur la rive Citérieure
Nulle nouvelle n'ont plus jamais entendu
Les elfes d'AMROTH




ni bâton renifleur, ni couronne


j'Ă©tais lĂ  ... avant ...maintenant ailleurs, et bien content d'y ĂŞtre !

un roi est passé ....
 
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castafiore
Ecrit le: jeudi 29 novembre 2007, 22:42


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Le bruit était assourdissant et les oreilles des deux vieux n’étaient pas habituées à un tel chambardement.

- Qu’est-ce que c’est que cette musique de dingues que vous nous jouez là, les petits gars ! On n’est pas à l’Alcazar ici, nous ce qu’on veut c’est de l’accordéon, vous n’allez pas jouer ça toute la soirée hein ! dit Gaston.

- Oui, ajouta Ernest, dis donc Albert, poursuivit-il en direction de Dufermage qui passait en portant les tréteaux des tables, j’espère que t’as prévu de la musique pour les vieux et qu’on ne va pas se taper un boucan pareil la nuit de la Saint-Sylvestre, il y a de quoi faire tourner le vin.

Albert monta sur l’estrade et dit quelques mots à l’oreille d’Ed Clapier qui la mit en sourdine.

- Je vous ai prévu une petite attraction dont vous vous souviendrez les vieux gars, dit-il aux deux compères rassérénés par ce soudain silence.

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La marquise demanda sa voiture et se mit au lit.
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J'ai adopté la BAttitude et clique où il faut quand il faut.
http://www.weblettres.net/blogs/index.php?...capdebonneesper
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castafiore
Ecrit le: samedi 01 décembre 2007, 23:02


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Les préparatifs étaient terminés. Au plafond pendaient des lampions, les tables décorées formaient un cercle autour de l’estrade et, au milieu la piste de danse était prête. Les convives arrivaient, ils avaient mis leurs costumes du dimanche et sentaient le parfum bon marché. Ils n’avaient pas oublié les cadeaux auxquels ils réfléchissaient depuis plus d’un mois. C’étaient des babioles mais qui faisaient toujours plaisir comme ils aimaient à le répéter.
Chambier avait acheté une binette à Pichon et Pichon une sarclette à Chambier. Ils avaient fait bourse commune pour offrir un cadeau à Dufermage qui, vivant seul, ne recevait que cette marque d’amitié annuelle. C’était un porte-clé qu’ils avaient acheté à la brocante de Grimoullis-Sur-Orge, il représentait une pin-up des années 60.

On passa à table vers 21 heures après avoir regardé les informations car aucun Marcapoulairois n’aurait manqué ce rituel cathodique même un soir de Saint-Sylvestre.

Le repas fut copieux, des râbles de lapin aux truffes suivis de lapin à la moutarde sauce Dufermage, à l’heure du fromage on s’arrêta et l’on dansa sur les rythmes effrénés de Clapier qui éructait dans son micro.

- C’est pas Dieu possible une musique pareille, commentait Gaston.

Soudain la musique cessa et tous se tournèrent vers l’estrade.

- Les amis, disait Dufermage au micro, nous sommes une nouvelle fois réunis au 2NDP et je suis heureux que cette petite fête vous plaise. Pour faire plaisir à nos deux camarades Gaston et Ernest je vous propose une attraction, c’est de l’Offenbach et la danse est interprétée par une nouvelle venue dans le monde du spectacle, j’ai nommé….

Ed Clapier et son orchestre entamèrent un french-cancan et la voix d’Albert devint inaudible. Puis l’on vit apparaître Yolande Pichon disparaissant presque sous une énorme peau de lapin, les cuisses à l’air, moulée dans un maillot de bain jaune fluo. Son corps remodelé par le Professeur Ingue s’offrait pour la première fois aux regards ébahis de l’assistance qui se mit à battre des mains. Elle levait une jambe, bondissait faisant sauter sur son visage les oreilles de lapin, se retournait montrant son lourd fessier puis se retournait à nouveau levait l’autre jambe et recommença ainsi tout le temps du morceau. Le numéro s'acheva enfin par un grand écart réussi, digne de la grande Nini et, Yolande, après avoir salué disparut dans l'arrière cuisine sous les applaudissements des convives.

Gaston regardait Ernest, son vieux copain Ă©tait blĂŞme.

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David GILLE
Ecrit le: dimanche 02 décembre 2007, 01:04


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- La vache ! fit Pichon en s'essuyant le front. Y a pas Ă  dire, c'est une belle femme ! Pas vrai, Gaston ?

- Pour sûr, vieux gars ! T'as bien de la chance.

- Dis donc, j'ai eu chaud : quand elle a fait le grand écart, j'ai cru qu'elle resterait bloquée et qu'il faudrait la décoller avec un pied de biche !... Et dire que cet après-midi encore, elle m'a réveillé pendant la sieste quand elle montait le vaisselier à l'étage : elle se plaignant de rhumatismes ! Quelle cachottière !

Les deux compères se levèrent et allèrent serrer la main de Dufermage, le remerciant pour cette délicate surprise.

Puis Ed Clapier et les Céréales Killers attaquèrent "Fais-moi du couscous, chérie". N'attendant que ça, les membres de la petite communauté orientale de St Marcelin sautèrent sur leurs pieds. Aïcha Fémal se lança dans une danse du ventre endiablée, tandis que le restant de la famille, Hassan Fémal, Hakim Fémal et Oussama Fémal, reprenaient le refrain en choeur.

Autour d'eux, Kamel Boufiltre, Ahmed Alor, Jamel Eudimanch, Alain Alakebard, Khaled Zeplinn, Massoud Urenetienpa, Hassan Nira-Sanira, Ben Basculante, Ali Sopeïdémervey, Omar Chécouvert, Mustapha Tma-Avekinclinex et Jemal Alarate tapaient dans les mains. Sidi-Brahim et Abou Laouanne marquaient le rythme en tirant en l'air quelques joyeuses rafales de Kalachnikov.

A minuit moins une, les convives commencèrent à compter à rebours les secondes les séparant de la nouvelle année. A minuit pile, tout le monde s'embrassa. Chambier, qui, comme chaque année, avait été chargé par Germain Poileux de tirer le feu d'artifice, s'acquitta parfaitement de sa tâche, ne foutant le feu qu'à une seule grange.

Les dames rentrèrent chez elles pour aller préparer la soupe à l'oignon et les bouillottes, et les hommes s'installèrent en demi-cercle autour de la télé pour regarder le spectacle du Lido.

A quatre heures, les rescapés furent chargés sur la remorque de Bastien Tonchapot-Yaduvant et déposés devant leurs domiciles respectifs. Bastien poussa la sollicitude jusqu'à adosser les éthylo-comateux contre leur porte.

Pour une belle soirée, ce fut une belle soirée.

La journée du 1er janvier fut consacrée à la récupération, car les organismes avaient souffert. Le 2 janvier, le temps s'étant radouci, la neige avait fondu. Les gens mirent le nez dehors.

La routine reprit ses droits. Les Marcepoulairois se retrouvèrent comme d'habitude au DN2P pour refaire le monde et assurer le chiffre d'affaires du brave Albert Dufermage.

Dans un coin, l'électricien-chauffagiste du village, Eugène Nérateur, dit "Gégène", tapait le carton avec Yvan Sapioche, et Fidèle Oposte, le fossoyeur. Gégène était une publicité vivante pour son commerce de chauffagiste puisqu'il était vêtu, été comme hiver, d'un simple marcel et d'un short bleus. Pour parfaire le look, il se coiffait d'une casquette jaune "Saulnier-Duval"; et, aux pieds, portait des grolles sur des socquettes grises.

Lorsque la porte du DN2P s'ouvrit, livrant le passage à Gérard Manjouis, Gégène tenta de se dissimuler sous la table.

- Pas la peine de te planquer ! brailla GĂ©rard Manjouis en se dirigeant vers lui. Je t'ai vu !

- Tiens, bonjour, Gérard ! fit Gégène avec un sourire crispé. Quel bon vent t'amène ?

- Un vent glacial, voilà ce qui m'amène ! Ça fait deux mois que j'attends que tu viennes réparer ma chaudière ! Mes cochons, mes vaches et ma femme grelottent ! Et je te trouve ici, à jouer à la belote !!!

- Je passerai demain, répondit Gégène. Promis !

- Tu sais oĂą tu peux te les mettre, tes promesses ?

- Hé, on reste poli ! fit Gégène en se levant, menaçant.

- Je SUIS poli, Ducon-Lajoie ! Si je ne l'étais pas, je dirais que tu es le digne fils de ton père : un bon à rien et un fainéant !

- Tu veux que je te colle un pain dans le museau ? répondit Gégène.

- J'aimerais bien voir ça ! grinça Gérard Manjouis.

- A ton service ! fit Gégène en lui mettant une claque.

GĂ©rard valsa entre les chaises et s'Ă©tala de tout son long.

Fidèle Oposte se pencha sur lui, le regarda, puis se redressa et commenta :

- Il a l'air encore plus con couché que debout !... Allez, venez les gars, laissons-le. Je vous ramène à la maison. C'est sur mon chemin...

Gégène, Yvan Sapioche et Fidèle Oposte sortirent du DN2P, non sans avoir donné un dernier coup de pied à Gérard Manjouis, emmêlé dans les chaises renversées. Ils montèrent dans la fourgonnette Citroën 15D, et Fidèle Oposte démarra.



Tout en aidant GĂ©rard Manjouis Ă  se remettre sur pied, Pichon, toujours prompt Ă  mettre de l'huile sur le feu, lui glissa dans l'oreille :

- On croit rêver ! Tu ne vas pas laisser passer ça, Gérard ??? Ils t'ont filé des coups de tatanes ! Or, on ne frappe même pas une femme à terre. Alors, un homme, tu penses !... Tu dois leur donner une leçon. Ou alors, c'est que tu n'es qu'une lopette !

- Et comment que j'vais leur donner une leçon, acré vingt-dieux ! vociféra Gérard Manjouis en s'ébrouant.

Tout en se massant le bas du dos, il se rua dehors et sauta sur son tracteur. Pied au plancher, il traversa le square Yvette Horner, emprunta la rue Dalida, enfila Hervé Vilard et Geneviève de Fontenay, puis tourna à droite avec l'intention de couper la route à la fourgonnette Citroën.

Les deux véhicules se retrouvèrent nez à nez dans la rue Jean-Pierre Foucault.

Gérard Manjouis arrêta son tracteur pour faire courageusement face aux trois hommes, dont deux, Yvan Sapioche et Fidèle Oposte, s'étaient armés de bâtons. Il remonta dans son tracteur pour décrocher son propre bâton.

Alors qu'une voisine, Marlène Angora, téléphonait aux gendarmes, les coups pleuvaient dru dans la rue. Gérard hurlait "Bons à rien ! Bons à rien !" et tentait d'assommer ses adversaires. Mais un joli coup d'Ivan Sapioche lui arracha son bâton des mains. Il n'hésita pas : il remonta dans son camion pour saisir un pique-boeuf en fer.

Lupin Angora, le mari de Marlène Angora, filma la scène à l'aide de son caméscope : http://fr.youtube.com/watch?v=BR_62msot38

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woodpecker
Ecrit le: dimanche 02 décembre 2007, 08:50


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A l’autre bout du téléphone à la gendarmerie de Saint Marcelin sur Poulaire c’était la panique ! Après les excès du réveillon, l’unité était terrassée par une épidémie carabinée de gastro-entérite et personne n’était en mesure d’aller mettre fin rapidement à une bagarre de pequenots tous plus bornés et imbibés les uns que les autres, qui profitaient de la moindre occasion pour se taper dessus ....

C’est en surmontant un haut le cœur que le maréchal des logis Perret ordonna que l’on transmette l’appel à la gendarmerie de la sous-préfecture :

-Dites leur d’emporter des meutes, conseilla-t-il.......

De toutes façons on a des consignes maintenant, se disait-il, et je ne fais que les appliquer : écraser la bousocratie dans l’oeuf.....oser réprimer sans déprimer..... adieu le sentiment, bonjour le rentre-dedans..... matraquage et menottage sont les 2 armes du bon gendarme.....

Accompagnant ses remontées gastriques, ces bonnes vieilles formules toutes faites, celles qu’on leur faisait hurler comme un seul homme lors des « stages d'information au maintien de l'ordre de haute intensité » ( Ah….ça vous soudait une équipe, ça !) lui remontaient en tête et il n’aurait pu jurer que les larmes qu’il sentait couler sur sa joue étaient uniquement dues à l’inconfort de sa position, penché au dessus de sa bassine...


A la sous-préfecture, on ne prit pas les choses à la légère.

Cinq fourgons étaient disponibles, on les remplit de gendarmes mobiles, de jeunes moblos motivés et équipés juste ce qu’il faut pour une classique opération de M.O. face à des V.T.U : blouson noir, pantalon bleu et sous-pull ignifugé, gilet pare-balle à port discret, jambières, bouclier et Bâton de Protection à Double Poignées Latérales (le BPDPL, qu’ils surnommaient entre eux le Bâton Pour Défoncer Plus Loin) casque en Kevlar et masque à gaz...

Tous étaient ravis d’aller enfin se dégourdir les jambes et les poignets ...

Sur place, ils furent très déçus : 4 vieux qui se tapaient dessus en ratant leur cible 9 fois sur 10, pas de pavés, de frigo jeté par la fenêtre, de voiture incendiée, de barricade... Ou était l’ « importante émeute » dont on leur avait parlé ?

Histoire de ne pas s’être déplacés pour rien, ils firent de cette sortie en un petit entraînement en situation : ils appliquèrent consciencieusement les principes du colonel instructeur : «la culture de la retenue et de la maîtrise est essentielle», «il ne peut y avoir de sécurité durable sans respect des droits humains » et ne firent donc usage que de quelques armes à létalité réduite puis embarquèrent les 4 manifestants pour un petit séjour à l’abri, le temps que les marques disparaissent....


- Si c’est pas malheureux, commenta Pichon, la femme à Manjouis va se les geler encore quelques jours tandis que lui, il est bien au chaud.......


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David GILLE
Ecrit le: mercredi 05 décembre 2007, 18:12


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David GILLE
Ecrit le: samedi 08 décembre 2007, 00:28


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castafiore
Ecrit le: samedi 08 décembre 2007, 16:09


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Vint le moment de la grande cérémonie annuelle, culte ancestral à un dieu barbare et sanguinaire dont les Marcepoulairois ignoraient le nom mais qu’ils honoraient toujours par des rites codifiés sans lesquels ils n’auraient pas cru être des hommes. Tuer le cochon, c’était tuer celui qu’ils portaient en eux et exorciser ainsi les noirceurs de leur âme.

Chambier et Pichon furent invités chez les Lapilule pour participer à la grande corrida. La victime était prête, dodue et rose à souhait. Catherine l’avait appelé Purin et s’était attachée à lui, mais la faim qui tenaille les corps est plus forte que l’amour, et la bête mourrait sans avocat. C’est en larmoyant qu’elle fit sortir l’énorme cochon et qu’elle le poussa adroitement vers la grange où le billot et les bourreaux l’attendaient. Il ne se méfiait pas mais lorsqu’il vit les trois hommes en tablier gris il se mit à pousser des hurlements à arracher le sonotone d’Isidore.

- Fais le taire, Catherine et tiens le bien, dit ce dernier en hurlant.

Elle entoura son Purin dans ses bras, Ernest et Gaston le prirent par le fondement et Isidore lui asséna un coup de merlin sur la tête. La bête s’effondra.
Puis ils l’attachèrent et le suspendirent les quatre membres écartés à la porte de la grange.

Chambier avait pris l’habitude du dépeçage des lapins et prit un large couteau. Il éventra Purin du haut vers le bas. Il fit glisser les viscères dans un grand seau. Il ne restait plus du pauvre crucifié que la viande ensanglantée.
On le redescendit et l’on partagea les tâches : aux boudins Catherine et trois voisines qui attendaient dans la cuisine, les hommes découpaient à la hache les côtes, les membres et le corps. Chambier prit la queue prétextant qu’elle portait bonheur.

La journée s’écoula débordante d’activité et le soir les deux gars quittérent leurs hôtes les sacs remplis de nourriture et le ventre arrosé.
- De biens braves gens ces Lapilule, dit Chambier.

- Pour sûr, dit Pichon, on a passé une bonne journée

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castafiore
Ecrit le: samedi 08 décembre 2007, 23:23


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Le lendemain Pichon vint seul au 2NDP. Il s’assit, commanda un Picon bière et prit la gazette.
- Oh, là, Ernest, où est passé Gaston, ça fait un bail que je ne l’ai pas vu oublier son rendez-vous matinal, pas malade j’espère ? demanda Dufermage.

- Il a pris le car de 8 heures pour Bourac, répondit Pichon.

- Qu’est-ce qu’il est parti faire à la capitale, si c’est pas indiscret ?

- Tu vas rire, il est parti acheter un costume neuf pour la foire des célibataires, il veut se faire beau, il paraît qu’il y a des Ukrainiennes, Germain les a récupérées grâce au jumelage. Il est fort notre maire, pas, vrai Albert !

- Des Ukrainiennes ! Et pourquoi pas l’Armée Rouge tant que tu y es !

- Si je te le dis, elles seront 20, toutes plus belles les unes que les autres.

- Et leur venue tombe avec le jour de la foire ?

- Pile poil, quand Gaston l'a appris hier soir en rentrant de chez les Lapilule, il est devenu fou.

- Qui vous l’a dit ?

- Anatole, on l’a rencontré qui sortait de chez Germain.

Albert reprit son torchon et fila un coup sur le comptoir. Une idée lui trottait dans la tête.

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David GILLE
Ecrit le: dimanche 09 décembre 2007, 17:25


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Pourquoi ne chercherait-il pas une femme, lui aussi ? Il ne manquait pas de travail au DN2P. Dufermage décida qu'il tenterait sa chance.

Le grand jour arriva.

La foire fut un succès, et les affaires florissantes. Le stand d'Omar Chécouvert, en particulier, attira la foule. Pour la première fois, en effet, Omar exposait ses fameuses boules "Il-neige-sur-Ouarzazate-quand-on-les-secoue", ainsi que des poufs, des porte-monnaie et des babouches en peau de chameau. Vers 18 H, il fit le bilan en déclarant : "C'est tout bon !", ce qui était le meilleur des baromètres économiques de la région.

Les visiteurs rentrèrent se changer en vue de la soirée des célibataires.

Un barnum avait été dressé place de l'Eglise. Il pouvait contenir plus de deux mille personnes.

Germain Poileux était particulièrement fier d'avoir jumelé St Marcelin avec le bourg de Sépatoussaméfokjyaï, et il avait tenu à faire les choses dans les règles. Aussi avait-il demandé que soit accroché un panneau au-dessus de l'entrée, avec les mots suivants, en français et en ukrainien : "Foire aux célibataires. Bienvenue aux jolies poulettes de Sépatoussaméfokjyaï !". La version ukrainienne contenait hélas deux fautes, ce qui changeait le sens de la phrase en : "N'oublie pas de tirer la chasse". Mais il était trop tard pour corriger.

A 20 H 30, la tente était déjà à moitié emplie. Les gens arrivaient de partout, car la foire aux célibataires de St Marcelin était fameuse dans tout le canton. Les visiteurs étaient accueillis au son de "Plaine, ma plaine" diffusé par une sono de deux mille watts louée à Bourac.

Les hommes célibataires s'étaient mis sur leur trente-et-un; les hommes mariés, eux, venaient pour voir ce qu'ils loupaient. A l'entrée, chaque célibataire recevait une liasse de fiches à remplir avec son nom, son numéro de téléphone, son âge, et un descriptif rapide de son métier et de ses biens. En dessous, une case dans laquelle il devait noter le nom de la femme dont il souhaitait faire la connaissance, et plus si affinités. Il ne lui restait plus qu'à déposer cette fiche dans une urne prévue à cet effet.

Gaston Chambier était très élégant : il portait son nouveau costume sombre tout neuf et une chemise blanche. Il avait noué autour du cou sa cravate la plus récente, qui datait des années soixante, multicolore et large comme la paume d'une main. Il avait même profité de son voyage à Bourac pour acheter de l'eau de Cologne au patchouli dont il s'était généreusement aspergé, ce qui tenait la plupart de ses voisins à distance.

A 21 H, Germain Poileux monta sur l'estrade et prit le micro. Il souhaita la bienvenue à tout le monde, et se lança dans un long discours sur l'amitié entre les peuples. Ce n'est que lorsque retentirent les premiers "Ta gueule !" qu'il déclara officiellement ouverte la foire aux célibataires de St Marcelin-sur-Poulaire. Il tira sur un cordon. Le rideau s'ouvrit et révéla une cinquantaine de coeurs à prendre.

L'assemblée croula sous les cris, les sifflets et les applaudissements.

Les hommes n'avaient d'yeux que pour les vingt créatures ukrainiennes, tellement exotiques. Elles étaient alignées à gauche des Françaises, de la première à la vingtième place. Toutes blondes comme les blés, elles étaient pour la plupart très jolies et bien faites. Certaines étaient même franchement gaillardes. Chacune d'elle tenait un panneau avec son nom, mais comme leurs patronymes étaient interminables, ces panneaux étaient immenses.

- On n'a pas idée de porter des noms pareils ! commenta Dufermage. Ça me fout la migraine !

Mais son oeil expert avait repéré une femme originaire de Dnipropetrovsk. Elle avait été pendant dix ans ouvreuse dans un hôtel pour touristes à Donetsk, le Revienzy, et, de ce fait, avait le bras droit hypertrophié. "C'est un avantage pour porter les plateaux", expliqua-t-il à ses voisins. Dufermage fut parmi les premiers à monter sur l'estrade pour l'examiner de près. Mais il en redescendit très vite.

- Alors ? demanda Pichon.

- Tu parles ! Une fois mariée, elle exige les trente-cinq heures, cinq semaines de congés payés, un salaire et un treizième mois !... Autant me payer une bonniche, au moins pourrai-je l'attirer dans mon lit en imitant le cri du billet de cinq Euros. Les amours ancillaires, ça coûte nettement moins cher que la vie conjugale ! Moi, je dis que c'est le déclin de la civilisation occidentale ! Toutes des pétasses, sauf ma mère et ma soeur !

- On croit rêver ! répondit Pichon. Que veux-tu, avec les moyens de communication modernes, même les femmes papoues connaissent notre code du travail par coeur. A cause de ça, on ne respecte plus rien. Jadis, les fumelles savaient rester à leur place. Tu veux que je te dise, Albert ?... C'est le confort moderne qui a tout pourri ! De mon temps, elles sortaient les fesses du lit à six heures du matin pour aller tirer l'eau du puits afin de nous préparer le café. Ça leur donnait le "la" pour la journée. Aujourd'hui, elles tournent un robinet. Le robinet, c'est une invention du diable, ça les a rendues flemmardes comme des bûches ! Le robinet est responsable de tout ! En leur offrant un robinet, nous avons mis le doigt dans l'engrenage. Ensuite, tout le reste a suivi : gazinière, aspirateur, bigoudis, le permis de conduire et le droit de vote... Tu sais pas quoi ? L'autre jour, Yolande m'a demandé de faire la vaisselle ! Tu te rends compte ?

- Non ??? fit Dufermage en ouvrant de grands yeux incrédules. Oh, l'outrecuidante !!! Oh, la sans-vergogne !!!

- Je ne te le fais pas dire !... La vaisselle !!! Mais oĂą va-t-on ?

Chambier n'avait pas participé à la discussion. Il scrutait les femmes sur l'estrade et faisait sa sélection. Puis il se tourna vers Pichon et dit :

- La troisième, Elona Dégrocomsa; la onzième, Anna Purnaparlafassnor; et la quinzième, Marga Rinastrapourallégétouvopla. Qu'est-c' t'en penses ?...

- Ben... Elona Dégrocomsa me paraît un peu jeune. Je ne lui donne pas plus de vingt-cinq ans... Anna Purnaparlafassnor ressemble à une montagne : elle mesure au moins un mètre quatre-vingt dix !...

- Pas grave : je ferai relever l'évier de la cuisine, répondit Chambier.

- Elle n'arrivera jamais à enfiler les robes de feue madame Chambier... Tu vas être obligé de lui acheter une garde-robe neuve.

- Ah oui, tu as raison. Je n'y avais pas pensé. Oublions Anna Purnaparlafassnor... Et que penses-tu de cette Marga Rinastrapourallégétouvopla ?

- Faut voir... répondit Pichon. Mais dis donc, vieux gars, tu es bien sûr que tu veux reprendre femme ?

- Ben tu sais, avec le parc aux lapins et tous les visiteurs, le ménage et la cuisine, je n'y arrive plus. Alors, ça coûte rien de se renseigner, pas vrai ?

Chambier monta sur l'estrade et se fraya un chemin parmi les hommes en train d'examiner la marchandise. Il s'approcha d'Elona DĂ©grocomsa, repoussa ses lunettes jusqu'au au bout de son nez, se pencha vers elle et demanda :

- Toi y en a comprendre un peu français, cocotte ? Tour Eiffel, Côtes du Rhône, camembert, bus incendiés, grèves à la SNCF, tout ça ?...

Elona Dégrocomsa le regarda comme un étron et répondit en roulant légèrement les "r" :

- Je suis licenciée en Lettres françaises de l'université de Kiev, et j'ai un diplôme de traductrice ! Casse-toi, vieux débris ! Tu pues !

Chambier ne se le fit pas dire deux fois. "Une intellectuelle", grommela-t-il. "Manquait plus que ça !". Il se dirigea vers Marga Rinastrapourallégétouvopla et lui ouvrit la bouche pour examiner ses dents. Puis tourna autour d'elle pour lui tâter la croupe. Aussi sec, Marga Rinastrapourallégétouvopla lui retourna une baffe dans le museau.

Chambier redescendit de l'estrade avec une mine piteuse.

- Toutes des snobs ! fit-il. Que le diable les emporte !

- Attends, mon cadet, fit Pichon en désignant une femme d'une cinquantaine d'années, plutôt rondelette, au bout de l'estrade. Celle-là, elle te suit des yeux depuis cinq minutes. Tu vois, elle vient de te faire un clin d'oeil, et elle te sourit. Si tu veux mon avis, elle en pince pour toi !

- Tu crois ? fit Chambier en faisant un petit signe de la main Ă  la dondon, qui le lui rendit.

- Tu vois bien : elle en veut Ă  ton corps, vieux gars ! Allez, Vas-y.

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David GILLE
Ecrit le: lundi 10 décembre 2007, 18:48


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Chambier jeta un nouveau coup d'oeil en coin vers l'estrade :

- Dis donc, elle a pas mal d'heures de vol au compteur, ta rombière...

- Et alors ? Tu n'es pas non plus un agneau de l'année ! Allez, fonce !

- Bon...

Laissant Gaston Chambier remonter sur l'estrade pour examiner son amoureuse de près, Pichon et Dufermage se dirigèrent vers le bar et commandèrent deux guignolets.

- C'est-y que Dieu pas possible ! fit Dufermage. Si on n'est pas assez bien, pourquoi sont-elles venues Ă  St Marcelin ? Pourquoi pas Ă  Neuilly, hein ?

- Tu as raison, Albert. Moi, je me demande qui a organisé tout ça, qui est le marieur...

A leur gauche, le coude sur le bar et le menton reposant dans le creux de la main, un homme répondit :

- Vous l'avez à côté de vous. Je me présente : Sylvain Etiréfolboir, pour vous servir !

L'homme souleva son verre en direction de Dufermage et Pichon, et ajouta :

- Santé, messieurs ! Je suis l'organisateur de cette soirée, commandée par votre maire. C'est moi qui ai persuadé ces ravissantes créatures, aussi blondes que Slaves, de venir chercher un mari plein d'ardeur à St Marcelin...

Sylvain Etiréfolboir ressemblait à Jean-Paul Belmondo après un passage à tabac. On sentait qu'il avait bourlingué.

Dufermage répondit :

- Ben vos donzelles, elles ont plutôt l'air de viser des capitaines d'industrie et des professions libérales ! Nous autres, on n'a pas ça, ici...

- Oh vous savez, il y a longtemps que j'ai renoncé à comprendre les femmes. Elles sont capables de tout pour se caser. Surtout les Slaves... Je connais même une top-model qui a épousé un footballeur ! Et un particulièrement mauvais, en plus ! C'est vous dire si elles ont faim...

- On croit rĂŞver ! fit Pichon.

- Certes, il est très flatteur pour un homme de s'afficher avec un top-model. En termes de jalousie chez les copains, il y a un sacré retour sur investissement ! Vous devriez essayer... Mais les top-models, ce n'est pas toujours ce que l'on pense. Je sais de quoi je parle : j'en ai fréquenté une. Elle s'appelait Jenny, elle était Australienne et mesurait 1m 92. Jamais elle ne se plaignait. Et pourtant, elle se cognait partout : dans le lustre, aux passages des portes, dans les poutres, dans la hotte de la cuisine, dans le pommeau de la douche, dans le plafond de l'ascenseur, dans le pavillon de ma bagnole, etc. Bon, je dois dire que ces nombreux chocs à la tête n'étaient certainement pas étrangers au fait que son quotient intellectuel frisait celui d'une morue dans un bac à congélation.

- Vous l'avez épousée ? demanda Dufermage.

- Vous rigolez ?... Je m'amusais trop ! Un jour, elle a fouillé dans mes produits ménagers et elle a trouvé une bouteille de vin de la Meuse dont je me sers pour décalaminer les cylindres de ma Porsche. Elle s'en est enfilé un verre, la folle !... Le soir, en rentrant, je l'ai trouvée au plumard. Enfin, je veux dire : le plumard sur mesures que j'avais bricolé à l'aide de traverses SNCF, calés avec les résumés des interviews de Fabrice Lucchini. Bref, je lui demande : "Qu'est-ce qui ne va pas, ma poule ? Tu veux que je t'emmène chez le médecin ?". Elle me répond : "Non, je suis trop malade pour aller chez le médecin" ! Bon, vous aurez compris que c'était pas une lumière... Pourtant, on s'entendait bien, et il y avait beaucoup de bons côtés. Par exemple, quand il fallait remplacer une ampoule, pas besoin d'escabeau. Pratiquement sans lever le bras, elle enfonçait l'ampoule dans la douille du plafonnier, et moi, je courrais en rond autour d'elle en criant : "Ne me quitte pas des yeux, ne me quitte pas des yeux !".

- Pas con ! fit Dufermage en aspirant bruyamment le fond de son verre.

- Hélas, poursuivit Sylvain Etiréfolboir, notre liaison n'a pas duré. A la longue, j'ai attrapé un torticolis à force de lever la tête pour lui demander de se pencher... Et puis, quand on allait au resto, ça durait des heures. Un vrai cauchemar ! Lorsqu'elle avalait une bouchée, ça faisait le bruit d'un sac poubelle dévalant un vide-ordures sur cinquante étages. Et ça durait au moins aussi longtemps. Quand on sortait du resto, sa dernière bouchée de dessert était encore en route entre sa glotte et son pylore. Ça perturbait vachement mon emploi du temps...

- On croit rêver ! répéta Ernest Pichon pour dire quelque chose.

- Et à la maison, c'était pas mieux, poursuivit Etiréfolboir. Elle empiétait sur mon espace vital. Faut imaginer qu'un seul de ses collants, bien roulé, occupait un tiroir entier de ma commode ! C'est pas tout : figurez-vous qu'un soir, en sortant de la douche, j'ai enfilé la ceinture de sa minijupe en pensant que c'était mon peignoir. Dans la salle de bain, elle confondait régulièrement ma brosse à cheveux avec sa brosse à dents, car elles avaient la même taille; et quand je l'embrassais, son haleine sentait la brillantine... Et puis... euh, il y avait aussi un problème d'ordre intime. C'est un peu personnel, je ne sais pas si je dois...

- Si, si, vous pouvez ! fit Pichon d'un air gourmand.

- Ben on s'emboîtait mal, figurez-vous. Dans la position du missionnaire, ma tête lui arrivait sous la poitrine, et elle se plaignait que je lui chatouillais les genoux avec mes orteils... On s'est quittés bons amis.

- Une grande fumelle comme ça, j'en voudrais pas ! commenta Dufermage. Je préférerais encore une petite, à tout prendre.

- C'est également ce que j'ai pensé, figurez-vous... Après Jenny, je suis sorti avec Dolorès. C'était une brunette mignonne comme tout, mais tellement petite que lorsque je n'avais plus besoin d'elle, ou que j'attendais des copains pour une belote, je la roulais en boule et la glissais sous le tapis. Dolorès, elle me vouait un véritable culte. Elle ne disait jamais rien : il suffisait de la prendre et de la poser là où on avait besoin d'elle. Elle était ravie et me regardait avec des yeux tellement pleins d'admiration que j'avais envie de lui foutre un coup de gourdin, rien que pour vérifier si ses pupilles pouvaient se dilater encore, et si son sourire n'était pas directement sculpté dans la mâchoire.

- On croit rĂŞver ! dit Pichon, pour varier un peu ses commentaires.

- Finalement, ça s'est très mal terminé. Je commençais à m'habituer à elle, et je ne la voyais plus. Vous savez ce que c'est, la routine... Le 15 septembre dernier, à 3h12 du matin, je lui ai marché dessus en allant au frigo chercher un salami.

- Une petite comme ça, j'en voudrais pas non plus, dit Dufermage. Vous auriez pu trébucher et vous cogner contre le coin d'une table en verre ! On se demande parfois à quoi elles pensent...

- La suivante, poursuivit Etiréfolboir, ça a été une fille un peu quelconque. Bon, là, j'avoue avoir été plutôt dégueulasse, car je suis sorti avec elle juste pour la présenter à mes amis et les faire rire. Elle s'appelait Beauregard et elle louchait...

- Ha ha ha ! firent Pichon et Dufermage Ă  l'unisson.

- Puis, il y a eu... euh... Ah oui : Hildegarde. Une ravissante Bavaroise blonde. Mais je ne l'ai pas supportée bien longtemps car elle rythmait nos ébats en faisant "Oumpa-pa, oumpa-pa". J'avais l'impression de coucher avec la section cuivres de la fanfare de Munich. Le reste du temps, elle yodlait... Ensuite, il y a eu le retour d'une ex à moi, Spéculo Mortadella, une danseuse du Lido qui m'avait largué il y a trois ans pour un petit con de disc-jockey qui se prenait pour une vedette parce qu'il rayait des disques et se coiffait avec Studio-Line de l'Oréal. Elle n'est restée que peu de temps. Faut dire qu'elle levait tellement la jambe sur scène qu'elle était trop fatiguée pour la lever chez moi. Bon, ça va cinq minutes, hein, mais il y a des moments où l'homme a besoin de se réaliser aussi sur le plan génésique, pas vrai ?

- Vrai ! répondit Dufermage.

- Puis il y a eu Bérénice. Là, j'aurais dû me méfier, elle gardait tout le temps les yeux baissés. Au début, j'ai cru qu'elle était timide. Eh bien pas du tout, au contraire. C'était une méga hypocrite, le parfait faux-cul qui ne cherchait qu'une chose : caser ses fesses dans un nid douillet et tirer sur le chéquier du maître de maison ! Figurez-vous que lors de notre premier rendez-vous, elle m'a questionné sur mes placements, et pendant le deuxième, elle m'a demandé quelles étaient mes préférences en matière de contrat de mariage. Même Eddie Barclay n'aurait pas supporté !... Tout, chez cette fille, était fuyant : son front était fuyant, ses yeux étaient fuyants, son protège-slip était fuyant. Mais sa mère était collante. Elle s'est pratiquement incrustée chez moi, sans doute pour vérifier que sa fille oubliait bien de prendre la pilule. Je les ai virées toutes les deux quand j'ai trouvé sur ma table de chevet l'absolu cauchemar du célibataire : "J'élève mon enfant" de Laurence Pernoud.

- Quelle horreur ! commenta Dufermage, compatissant.

- Après, il y a eu... Laissez-moi réfléchir. Ah oui : Irina. C'était une intellectuelle de gauche; donc côté hygiène corporelle, elle laissait un peu à désirer... De prime abord, ce qui m'avait séduit chez Irina, c'était ses lunettes. Bien sûr, elle était aussi chiante que... qu'une intellectuelle de gauche, quoi ! Pardon pour le pléonasme... C'était une psychorigide, avec des idées arrêtées sur tout. Il était impossible de discuter : question principes, elle était plus raide qu'un cadavre de Jésuite. Par exemple, quand je voulais bouffer une salade, pas question de faire mes courses chez Auchan : je devais aller cueillir du pissenlit prolétaire dans le Loiret, et être rentré pour midi.

- Une comme ça, j'en voudrais pas non plus ! dit Dufermage.

- Au plumard, elle sifflotait "Commandante Che Guevara", et après l'amour - alors que je ne souhaitais qu'une chose, c'est qu'elle ferme son clapet - elle me parlait des altermondialistes et me lisait la biographie de José Bové en patois alsacien. Imaginez l'effet sur ma libido si elle m'avait lu ça avant ! Je peux vous dire que c'est au moins aussi excitant que la perspective de vous faire amputer le pénis avec un couteau à pain rouillé !... De plus, elle connaissait par coeur tous les discours de Nicolas Sarkozy, et quand elle les récitait, elle crachait par terre après chaque phrase. Je passais mon temps à manier la serpillière...

- Incroyable ! dit Pichon. On se demande dans quel monde nous vivons... Vous l'avez tuée ?

- Non. J'ai réussi à m'en débarrasser en lui racontant qu'une réunion secrète de l'Organisation Mondiale du Commerce se tenait en Argentine, et je lui ai payé un billet aller simple pour Ushuaïa et un sac de couchage. Elle n'est jamais revenue. Je suppose qu'elle a été bouffée par les éléphants de mer et les cormorans...

- Bon, ben ce n'est pas tout ça, fit Dufermage en regardant sa montre. Il est temps d'aller voir ce que devient Gaston.

Ils prirent congé de Sylvain Etiréfolboir et dirigèrent leurs pas vers l'estrade.

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king
Ecrit le: lundi 10 décembre 2007, 21:50


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Albert fit à peine trois mètres lorsqu'il marcha sur un carnet.

C'était un de ces carnets en molesquine, avec l'élastique et le petit crayon de papier, modèle Hemingway. Il tenta de lire sur la page de garde le nom du propriétaire, mais en vain. Les reflets de la boule à facettes et la pénombre ne l'aidaient pas dans sa tâche. Ca avait l'air d'un livre de comptes. Il décida de l'apporter à la sonorisation pour passer une annonce afin de retrouver le propriétaire. Il tendit le carnet à l'androgyne qui partageait le casque de sonorisation avec le cher Guitou. Ce dernier eut un geste de tête circulaire afin d'envoyer sa tignasse sur l'arrière et entreprit, tel Champollion, de déchiffrer les pattes de mouches qui couvraient le carnet.

- ce carnet appartient Ă  Gaston Chambier mmmm...
Yolande Pichon ....trois saillies ...
GĂ©rard Manjouis ....deux lapines.
La vieille Toupy... une vieille peau contre deux plus belles
Alonzo Lupanar... lapines en attente
Monique... un beau mâle
Elvire Sacuti ... chatte contre lapine
AĂŻcha FĂ©mal ... lapine de cinq kilos
Lapilule ...quatre semaines de retard, perte sèche !
Otton Nimpair ...six lapines
Emma Pridecour ... mon gros lapin ...

Un fou rire remplit la salle, chacun dévisageant les personnes nommées. Quelques gifles furent distribuées. Gaston, lui, contait fleurette derrière le caoutchouc en plastique. Il était avec Anna Bolizan, la petite boulotte championne de lancer d’enclumes. Grondin, qui était aux prises avec les jumelles Jeanne & Marcella Meïmchotz, avec lesquelles il partageait la table et le demi de champagne, tenta de lui expliquer le pourquoi de l'hilarité générale.

- Ah gros filou, mon gros lapin ! fit la championne. Anna va te rendre heureux, Anna aimer chauds lapins !

La-dessus, elle vida cul sec son verre, le lança en arrière, évitant de justesse le bol de punch. Puis elle tira Chambier par la manche et ils se dirigèrent vers le vestiaire. Elle récupéra sa popeline et Chambier son pique-boeuf, symbole de la virilité Marcepoulairoise. Grand seigneur, il tendit les clés au voiturier sur le parking, y joignant une pièce de deux euros.

- Le bleu, fit il. Attention, l'embrayage broute un peu. Et mollo avec les freins !

Dix minutes plus tard, le pauvre voiturier arriva enfin après avoir retourné l'asphalte de la moitié du parking.

- Après vous ! fit Chambier à sa belle, tout en lui poussant l'arrière train. Prête pour le grand frisson ? fit le vieux coq.

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Jadis il Ă©tait un roi elfe
Un seigneur de l'arbre et des vallons
Quand l'or Ă©taient les rameaux printaniers
Dans LOTHLORIEN la belle

Du mât à la mer , on le vit s'élancer
Comme la flèche de la corde
Et plonger dans l'eau profonde
Comme la mouette en vol

Le vent Ă©tait dans ses cheveux flottants
Sur lui brillait l'Ă©cume
De loin , ils le virent fort et beau
S'en aller, glissant tel un cygne

Mais de l'ouest n'est venu aucun message
Et sur la rive Citérieure
Nulle nouvelle n'ont plus jamais entendu
Les elfes d'AMROTH




ni bâton renifleur, ni couronne


j'Ă©tais lĂ  ... avant ...maintenant ailleurs, et bien content d'y ĂŞtre !

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king
Ecrit le: mardi 11 décembre 2007, 12:50


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Trois semaines s’étaient écoulées depuis la foire aux célibataires, et le village de st Marcelin-sur-Poulaire avait repris son train-train habituel, certains couples s'étaient formés, d'autres brouillés ...
Chambier comme tous les jour de la semaine alla au troquet et laissa Anna aux fourneaux .


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Quand l'or Ă©taient les rameaux printaniers
Dans LOTHLORIEN la belle

Du mât à la mer , on le vit s'élancer
Comme la flèche de la corde
Et plonger dans l'eau profonde
Comme la mouette en vol

Le vent Ă©tait dans ses cheveux flottants
Sur lui brillait l'Ă©cume
De loin , ils le virent fort et beau
S'en aller, glissant tel un cygne

Mais de l'ouest n'est venu aucun message
Et sur la rive Citérieure
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David GILLE
Ecrit le: mercredi 12 décembre 2007, 13:32


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Pendant qu'elle préparait le repas, elle songeait.

Quelle aventure depuis sa rencontre avec son Gastounet ! Elle s'entendait à merveille avec lui. Oh, bien sûr, ce n'était pas le prince charmant, loin de là. Il était comme tous les hommes : un peu lâche, colérique, flemmard et ivrogne. Et comme tous les hommes, il laissait traîner ses chaussettes et avait un problème avec la lunette des W-C. Chaque fois qu'elle entrait dans les toilettes après lui, l'endroit semblait avoir été visité par un danseur de flamenco incontinent. Mais à part cela, c'était un brave type...

Lorsque sur le coup de midi Chambier rentra, elle déposa les plats sur la table. Il huma les effluves et demanda :

- Que nous as-tu cuisiné de bon aujourd'hui, ma poule ?

- Bortsch avec pampushkis, golubtsi, salo.

- Dis-donc, pourquoi tu me traites de salaud, pétasse marxiste ?... fit-il en se redressant, menaçant. On n'a pas gardé les goulags ensemble !

- Non, non ! répondit Anna Bolisan en reculant prudemment. Le salo, c'est plat ukrainien très bon, avec lard fumé et ail... Toi pas être salaud à table, juste un peu salaud au lit ! minauda-t-elle.

- Y a intérêt, cocotte ! Parce que pour le respect, moi, je ne transige jamais.... Verse-moi à boire.

Ce qui étonnait vraiment Anna Bolisan, c'était la résistance physique de Gaston. Tout comme son ami Pichon, il était une force de la nature. Compte tenu de ce qu'il ingurgitait chaque jour, c'était un miracle. "J'ai un secret", avait-il expliqué. "Une fois par an, je me force à avaler une tisane verveine-menthe. Ça remet toute la tripaille en place".

Elle repensa à son arrivée chez Chambier. Leur première nuit. Le réveil au petit matin, le bol de café (arrosé de marc, pour Gaston), son départ pour le DN2P. En son absence, elle avait fait un peu de ménage, non sans avoir photographié les pièces de la maison, pour montrer à ses amies restées en Ukraine à quoi ressemblaient les intérieurs français :

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king
Ecrit le: mercredi 12 décembre 2007, 23:39


Demi Dieu de l'Ordre de la Pie


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Et comme tous les après-midis, la station verticale étant pénible à maintenir, la station horizontale s'imposait d'elle même, Chambier allait donc tous les après-midis vérifier l'horizontalité de son canapé et essayait coûte que coûte de rester parallèle à celui ci ce un temps variant entre trente sept minutes vingt et vingt trois heures cinquante sept!

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David GILLE
Ecrit le: samedi 15 décembre 2007, 20:47


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Quinze jours passèrent encore. Les Lapilule reçurent une convocation du greffe pour l'affaire du faux vol de leurs économies.

La moitié du village se déplaça à Bourac pour assister au procès. La plupart des Marcipoulairois s'y rendirent en voiture ou en tracteur, certains utilisèrent leur carriole ou leur vélo. Phil Incouderabot, le menuisier, vint en moto, engin qu'il ne sortait pourtant que dans de très rares occasions. Ce détail, à lui seul, démontrait que le procès des Lapilule était l'événement mondain de la saison, celui où il fallait être vu pour être dans le coup.

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La foule des Marcipoulairois endimanchés s'installa dans la salle d'audience. Dufermage observa les manteaux à col de renard et les chapeaux ridicules de ces dames. Il se pencha vers Gérard Manjouis :

- La dernière fois qu'elles ont sorti ces horreurs, c'est quand Frank Michael est venu chanter pour les vieux à la salle des fêtes de Marcilly. Après le festival de Cannes, voilà le festival des connes ! Je crois que je vais vomir...

Lorsque le Président Lédétaille apparût, tout le monde se leva. On loua sa prestance et on admira sa proéminence abdominale, preuve qu'il était bien nourri et qu'il était donc digne de confiance.

Le Président Lédétaille était un vieux routier. Il ne jugeait pas les affaires selon les faits, mais selon les réactions du public dans la salle d'audience. A ceux qui s'en étonnaient, il expliquait que cela évitait tout risque d'erreur judiciaire, puisque, après tout, c'étaient leurs propres concitoyens qui connaissaient le mieux les prévenus. Et puis, vox populi vox dei, et les vaches seront bien gardées.

Quand Isidore Lapilule fut introduit, on entendit :

- Oh, comme il a l'air triste ! Pauvre homme ! Il est pâle ! Si c'est pas malheureux....

Catherine Lapilule apparut à son tour. Elle était coiffée d'un chapeau à rubans jaune fluo et d'une robe mauve datant de la libération, et portait un grand sac à main Vuitton en plastique fabriqué en Corée. Un brouhaha monta d'un cran dans le prétoire :

- Grrgrgggrgrgr... salope..... voler son propre mari !...... grmblblblblb..... traître.... scélérate.... grmlmlmgrm... perfide.... Judas en jupons.... grmblblmblbl... t'en foutrais, moi.... grblmbl...

La religion du juge était faite. Il s'endormit deux fois pendant les débats, et ronfla franchement lorsque Perret (qui venait d'être promu adjudant) expliqua que les Lapilule l'avaient envoyé, lui et ses hommes, aux quatre coins du canton pour rechercher l'hypothétique voleur des économies du couple; économies (jusque là dissimulées dans un canon à goulash) que les prévenus avaient en réalité conservés par-devers eux dans une boîte à thé de marque O'Malley, n'hésitant toutefois pas à déposer une plainte contre X, plainte indue qui avait mobilisé d'importantes forces de gendarmerie, lesquelles forces sétaient transportées sur place et avaient subséquemment et conséquemment diligenté une enquête dans les milieux interlopes de la région, procédant à une multitude d'auditions et nécessitant une dépense d'énergie qui n'avait eu d'égale que son inanité, pour dire les choses comme elles sont, Monsieur le Président, et j'espère qu'ils en prendront pour leur grade, merci.

Durant les plaidoiries de la défense, le Président Lédétaille ouvrit un oeil pour vérifier si maître Aude Javel, l'avocate de Catherine Lapilule, était bien roulée. Comme elle ne l'était pas, il le referma.

Enfin, lorsque tout fut terminé, il annonça qu'il n'y aurait pas de délibéré et qu'il allait prononcer la sentence sur le champ.

- Monsieur Isidore Lapilule, fit-il sur un ton solennel, vous êtes relaxé. Madame Catherine Ausseroce, épouse Lapilule, je vous condamne à trois mois de prison avec sursis et deux mille Euros d'amende. Avez-vous quelque chose à déclarer ?

- Oui. Je peux payer tout de suite ?

Elle souleva son faux sac Vuitton et le posa sur le banc. Puis elle en tira des liasses Ă©paisses comme des annuaires et se mit Ă  compter les billets, tout en expliquant :

- Pour tout vous dire, Monsieur le juge, je m'attendais à être condamnée à plus. J'ai donc apporté dix mille Euros. C'est de l'argent gagné honnêtement, vous savez, avec mon nez. Et là d'où il vient, il y en a encore des kilos, donc ça ne nous prive pas...

- Dix mille Euros ?... Tiens, tiens, voyez-vous ça ! fit le Président en se grattant le menton. Bon, alors à la place des deux mille, mettons... trois mille ?

- Pas de problème.

- Nous disons donc... quatre mille ?

- Holà, monsieur le juge, faut quand même pas déconner ! s'offusqua Catherine Lapilule. Trois mille, je veux bien. Mais ça ne vaut pas quatre mille ! Je n'ai tué personne, moi ! Je n'ai rien à voir avec Roland Dumas et les vedettes de Taiwan, et je ne suis même pas mêlée à l'affaire Clearstream ! C'est vous dire !...

- Trois mille cinq cent, alors ?... fit Lédétaille en penchant légèrement la tête sur le côté et en soulevant un sourcil chargé d'espérance.

- Des clous ! Trois mille, et pas un rond de plus ! répondit Catherine, cette fois vraiment en colère.

- Bon, bon... Pas la peine de s'Ă©nerver ! Ok pour trois mille. Plus mille pour outrage Ă  la cour !

- Quel outrage ?... Outrage, mon cul, oui ! Vous ĂŞtes en train de m'extorquer du pognon pour vous faire bien voir par la ministre de la justice ! C'est une honte !...

Isidore Lapilule se précipita vers sa femme et lui colla la main sur la bouche en braillant :

- Mais ferme-la donc, vieille truie ! Tu ne vois donc pas que ce trouduc n'attend que ça ?...

- Cinq mille ! hurla le Président en tapant sur son bureau avec un maillet, comme dans les films américains.

Il se tourna vers son greffier :

- Jambier, je veux trois mille Euros de plus ! Trois mille ! Notez !

Il s'adressa Ă  Isidore :

- Monsieur Lapilule, lâchez immédiatement votre femme, ou je vous inculpe pour coups et blessures !

- Mais si j'enlève ma main de sa bouche, elle va se mettre à hurler des cochoncetés, votre Honneur ! Je la connais : c'est une conne !

- Hein ? Quoi ? Qu'ai-je entendu ? Vous m'avez appelé "votre Honneur" ???... Ça fera six mille ! Et mille Euros d'amende à votre avocate, maître Javel, pour ne pas vous avoir prévenu que je déteste ça !... Et maintenant, lâchez votre femme, je vous dis ! Sur le champ !

Lapilule capitula et retira sa main. Aussitôt, Catherine se remit à vociférer :

- Dis donc, Isidore, qu'est-ce qui te prend de vouloir m'empêcher de dire ses quatre vérités à cette sinistre andouille...

- Sept mille !

-... avec sa face de rat d'Ă©gout ?

- Huit mille !

Isidore regardait autour de lui, l'air paniqué. Il se précipita et saisit le maillet.

Catherine poursuivait sur sa lancée :

- Il veut nous piquer notre fric, cet...

- Neuf mille !

- ... espèce d'enc...

D'un coup de maillet sur l'occiput, Isidore envoya sa femme dans les vapes. Elle s'écroula derrière le box, robe retroussée jusqu'à la taille, exposant une culotte marquée "I love le Croisic".

Lapilule se tourna vers le Président Lédétaille et lui rendit le maillet d'un air contrit, en ajoutant :

- Oups, quel malheureux accident. Sa tête a heurté cet objet et... J'espère qu'il n'est pas abîmé ?

- Bon, on va arrondir Ă  dix mille, fit le juge avec un petit sourire de contentement. Et elle peut garder le sac Vuitton en plastoc, on n'est pas des marchands de tapis, quand mĂŞme !... Faites Ă©vacuer la salle.

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David GILLE
Ecrit le: lundi 17 décembre 2007, 00:07


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Chapitre 10


- Tu sais pas quoi ? dit Chambier d'un air mystérieux. Devine qui sponsorise les maillots de la finale cette année ?

- Ne me dis pas que...

- Si, mon cadet : moi !

- Non ?

- Si ! C'est comme je te le dis ! Des maillots rouges, avec les mots "Les Colosses de St Marcelin" sur la poitrine !

- Félicitations !... fit Pichon. Mais dis donc, vieux gars, tu ne crains pas que l'association des joueurs de St Marcelin avec des lapins, ça ne fasse rigoler ?

- Mes lapins ne font pas rigoler ! répondit Chambier avec une certaine véhémence. Quand l'un d'eux montre les dents, tu devrais voir comment les visiteurs du parc décampent ! Les gosses poussent même des cris de terreur en s'enfuyant !




Contrairement à l'année dernière, où il n'avait pas dépassé les huitièmes de finale, St Marcelin était cette année en finale de la chichourle, opposé à Tiquebeux. La rencontre serait arbitrée par monsieur Ocirage, un ancien officier qui savait se faire respecter.

La chichourle était le jeu ancestral du Grimouillirois. Il opposait deux équipes de dix joueurs, hommes et femmes mélangés. Le but du jeu était de faire passer le ballon entre deux poteaux, un peu comme au rugby. Les parties se pratiquaient avec les mains, avec les pieds et avec toute autre partie du corps. La chichourle tenait à la fois du football, de la soule et du lâcher de taureaux. En effet, outre les joueurs, on faisait entrer sur le terrain une vachette ou un taurillon chargé de brouiller la tactique des équipes en renversant les chichourleurs au gré de son humeur. Bon, il est vrai qu'on trichait un peu : l'éleveur qui fournissait la bête prenait soin de l'affamer pendant deux ou trois jours. Aussi, lorsqu'elle faisait irruption sur le terrain (appelé "la chichourlette"), l'animal se mettait à brouter, laissant aux joueurs le temps de marquer quelques points. Ensuite, la bestiole repue s'énervait en voyant courir tous ces humains en short, l'empêchant de ruminer en paix. A partir de ce moment, elle leur rentrait dans le lard, au grand plaisir des spectateurs.

A part cela, le règlement était d'une simplicité biblique : tous les coups étaient permis pour empêcher l'adversaire de marquer. En cas de faute vraiment patente, l'arbitre sifflait une pénalité. L'équipe fautive reculait alors de quinze mètres et se plaçait sur une ligne. L'équipe adverse, elle, se disposait en forme de pointe de flèche et se ruait sur cette ligne pour l'enfoncer, tel un coin pénétrant dans un tronc d'arbre. Les chocs étaient souvent rudes et envoyaient certains pieds-tendres dans le coltard. La chichourle était un jeu de costauds et de costaudes. A la fin de la partie (qui durait deux heures sans mi-temps), l'arbitre était traditionnellement jeté dans la Poulaire par les joueurs des deux équipes.

Le public, lui aussi, respectait une vieille tradition : il venait armé. En effet, il était inconcevable que les hommes se présentent aux guichets sans un gourdin, un pistolet, un baïonnette ou un fusil. Bien sûr, les armes à feu étaient déchargées, les lames étaient rouillées et les gourdins faits de bois tendre. Cette tradition remontait au Moyen Âge. A cette époque, en effet, la fille du comte Thessous, la belle Tioo, avait été enlevée par le marquis Cageon, seigneur de Mortaigne. Le comte Thessous avait fondu sur le Grimoullirois avec toute son armée pour récupérer sa rejetonne, mais en vain. Les troupes du marquis Cageon lui avaient fichu la pâtée. Loin de se décourager, Thessous s'était mis à guerroyer contre les habitants de la région. Son fait d'armes le moins glorieux avait été d'attaquer les spectateurs lors de la finale Moignon-en-Puthay - Grimouillis-sur-Orge de 1332, massacrant tout le monde. Depuis ce jour, la tradition fut respectée : par prudence, on assistait aux finales de la chichourle armé jusqu'aux dents. Pourtant, il n'y avait jamais eu de heurts ou d'incident entre spectateurs, car les Grimouilliriens avaient compris depuis longtemps que plus le jeu était violent sur le terrain, moins il y avait de bourre-pif dans les tribunes.

- Le football suscite des bagarres entre supporters, car c'est un jeu de chochottes ! avait expliqué Dufermage à un touriste parisien de passage. S'il y a moins de bagarres dans les tribunes lors des matches de rugby, c'est parce que le rugby est un tout petit peu plus viril que le foot. Pareil pour le hockey sur glace. Mais comparés à la chichourle, ça reste quand même des jeux de tapettes, on peut pas dire le contraire... La chichourle, elle, ne provoque jamais d'incidents parmi les supporters, car à la fin du match les spectateurs ont eu leur ration de sang. Conclusion : plus un jeu est musclé sur le terrain, moins il y a de castagne dans le public. C'est comme chez les militaires : on n'a jamais vu des soldats d'une même armée s'entre-tuer après une bataille contre l'ennemi, hein !

- Logique ! avait répondu le touriste, conquis. Mais vous n'avez donc aucune équipe de foot dans la région ?...

- Aucune, sauf à Bourac. En 1906, quand le délégué du Comité français inter-fédéral de Football s'est pointé pour demander aux Grimouillirois d'abandonner la chichourle au profit du foot, il est reparti avec une côte fêlée et l'empreinte d'une semelle dans le fondement. Forcément, c'était un Parisien, ce qui, dans le coin, ne facilite pas le dialogue, ainsi que vous vous en rendrez compte tout à l'heure en retrouvant votre voiture avec les pneus crevés... Quant au délégué du rugby, il n'a jamais osé se pointer par ici.

- Et oĂą se jouent les parties de chichourle ?...

- Il y a un seul terrain de chichourle dans la région. Il se situe à la sortie de Rollain-sur-Poulaire, au bord de la rivière. C'est là que se déroulent tous les matches du championnat.

- Et qui finance tout ça ?

- Ben qui voulez-vous qui le finance ?... rigola Dufermage. Les concessionnaires Massey-Ferguson et John Deere, bien sûr ! Bon, c'est vrai, ils sont soumis à une sorte de racket pour les faire cracher au bassinet, mais avec ce qu'on leur laisse chaque année, ils ne peuvent pas refuser. Il y a aussi Pernod-Ricard qui contribue en fonction du chiffres d'affaires réalisé dans la région. Grâce à ça, le CDCG, le comité directeur de la chichourle du Grimoullirois, ne manque pas d'argent, vous pouvez me croire...





Enfin, le grand jour arriva.

Le ciel de mai était bleu, et il soufflait un petit vent tiède et caressant, très agréable. Les tribunes étaient pleines à craquer. En sa qualité de sponsor du maillot de l'équipe de St Marcelin, Chambier avait eu droit à une place dans la tribune d'honneur.

Anatole, le garde champêtre de St Marcelin, était venu avec un tromblon, Gérard Manjouis était venu avec son pique-bœuf, Isidore Lapilule avait préféré un pistolet-mitrailleur Schmeisser MP40 confisqué à un Allemand à la fin de la guerre, Nestor Vénissien s'était muni d'une baïonnette, Omar Chécouvert s'était armé de son plateau de chouchous, et Pichon était venu avec sa femme, affirmant que, question arme, y avait pas plus dangereux.

Les Bourriquets de Bourac exécutèrent puis achevèrent "We are the champions" à la viole de gambe et à la scie égoïne. Ils se retirèrent de la pelouse alors que le speaker annonçait :

- Tout d'abord, bienvenue à toutes et à tous ! Et félicitations aux combattants de St Marcelin-sur-Poulaire et Tiquebeux, nos vaillants finalistes, que nous allons découvrir dans un instant !!!... Mais tout d'abord, accueillons comme il se doit la vachette Angélique, prêtée cette année par monsieur Jacques Seller, éleveur à Rollain-sur-Poulaire. Mesdames et messieurs, on acclame... ANGELIQUE !

Telle une furie, la vachette fit son entrée, accueillie par les hurlements de joie du public. Elle portait sur ses flancs, imprimé au pochoir : "Jacques SELLER, éleveur. Nous prenons le temps de bien faire". Angélique regarda autour d'elle, cherchant une victime, racla le sol du sabot droit, puis réalisa soudain qu'elle se trouvait au milieu d'un garde-manger. Elle se mit à brouter l'herbe tranquillement, se désintéressant de son environnement.

Le speaker en profita pour annoncer les noms des joueurs qui faisaient irruption sur le terrain :

- Pour l'équipe de St Marcelin-sur-Poulaire, on applaudit bien fort : RIHR, John. ANIOT, Pascal. LAVETOITU, Fayçal. ALOE, Véra. BALET, Rose. ADIDONSI, Josée. DURECOMUNE, Pierre. PERIF, Eric. LEPERT, Noël. LAMERE, Michel ! Remplaçants : MATELET Robert. TECTAU, Nick. BIBOPA, Lula.

La tribune gauche se mit Ă  hurler :

- Ouaiiiiiiiiis !... St Marcelin va leur mettre un pain !... St Marcelin va leur en mettre plein !... Vive les rouges ! Vive les colosses de St Marcelin ! Ouaiiiiiis !

Le speaker poursuivit :

- Et maintenant, on applaudit les champions de Tiquebeux ! ONVOITAKU, Lotte. SCOUBIDOUBI, Douah. DREIZWEI, Heinz. ACREAU, Paul. TUPARLE, Charles. ASIM, Bonanga. SOUTIEN, Georges. TABAG-SEPADE, Laure. OUATIOUCI-ISOUAT, Huguette. GOSSAK, Ahmed ! Remplaçants : AMPASSAN-PARLAT, Lorraine. JENICPAMET, Véronique. MOUNLAÏTE, Séréna.

La tribune droite donna de la voix :

- Ouaiiiiiiis ! Vive les bleus !!!... Tiquebeux, y a pas mieux !... Tiquebeux, y a pas mieux !... Les bleus, y a pas mieux !

La première chose que l'on remarqua, c'était l'impressionnante carrure des joueurs. Tous étaient de véritables montagnes de chair. Plusieurs étaient édentés, preuve que les qualifications et les entraînements furent âpres. En revanche, les joueuses des deux équipes étaient superbes; des créatures dignes de poser pour les pages centrales de Play-boy.

La présence de femmes sur le terrain avait un intérêt pour les deux équipes. En effet, deux mille ans de civilisation avaient marqué les gènes des hommes du Grimouillirois, même lorsque ces hommes étaient avinés et vaguement consanguins. On savait qu'au moment de projeter leurs cent-vingt kilos dans cinquante kilos de chair rose, fragile et tendre, les joueurs adverses hésitaient toujours. Ça laissait le temps de reprendre l'avantage. Encore une preuve que, sur le plan de la psychologie du jeu, la chichourle avait des années lumière d'avance sur les autres sports d'équipe.

L'arbitre Ocirage posa le ballon au milieu du terrain, consulta sa montre et siffla le début de la partie sous les hurlements et les chants des spectateurs.

Tuparle, de l'équipe de Tiquebeux, fut le plus rapide. Il saisit la balle et contourna Aniot, puis se rua vers le but. Un croche-pied d'Aloe mit fin à ses velléités. Rihr se pencha, lui arracha le ballon et en profita pour lui filer un coup de coude sur le nez. Mais il fut à son tour terrassé par Asim. Hélas, cet avantage fut de courte durée. En effet, sur la gauche du terrain, Lamaire, craignant qu'Asim ne parvienne à ses fins, avait préféré commettre une faute pour interrompre le jeu. Il avait attrapé Dreizwei par la nuque et lui avait administré une superbe manchette sous le menton. Dreizwei se retrouva sur le dos. Au moment où Lamaire allait lui sauter à pieds joints sur le ventre, l'arbitre le désigna du doigt et siffla une pénalité.

- C'est un peu mou, tout ça ! fit Dufermage.

- Ouais, tu as raison, Albert, répondit Pichon. De mon temps, ça démarrait plus vite. Espérons qu'ils vont vraiment entrer dans le match...

Les joueurs de St Marcelin s'alignèrent sur une rangée. En face, l'équipe de Tiquebeux se mit en formation triangulaire. Au coup de sifflet, elle se rua, pointe en avant, sur la ligne adverse, tentant de la percer à hauteur de la ravissante Balet, point faible du dispositif de défense de St Marcelin. Il y eut une mêlée dantesque.

Gossak, qui tenait le ballon, fut projeté au sol par les cent trente kilos de Lepert. Le ballon roula doucement hors du tas de joueurs pour s'arrêter sous la semelle de la jolie Adidonsi. Aussitôt, l'énorme Acreau se rua vers elle. Mais arrivé à trois mètres, il freina sec, hésitant. Il savait que s'il lui plongeait dans le bide, il lui arracherait la plèvre et lui éjecterait les ovaires. Adidonsi, en fine mouche, en profita : elle fit "Coucou !", puis souleva son maillot et exhiba ses seins. Acreau en resta comme un rond de flan. Adidonsi mit l'hésitation de son adversaire à profit pour passer le ballon à Lavetoitu. Puis elle s'avança vers Acreau et dit : "Tiens, fume !" et lui colla un coup de pied dans les parties, ce qui lui remit les idées en place et décolla aussi le tartre de ses dents.

Pendant ce temps, Lavetoitu fonçait vers le but de Tiquebeux. Arrivé à quinze mètres, il expédia d'une pichenette la balle entre les deux poteaux. Il leva les bras au-dessus de la tête et fit un geste de victoire.

- Un à zéro pour St Marcelin-sur-Poulaire !!! vociféra le speaker dans son micro. Un but signé... Lavetoituuuuuu !

Les spectateurs étaient debout. Les uns hurlaient leur joie, les autres leur déception. La balle revint au centre, et l'arbitre siffla la relance. Aussitôt, Asim plongea dans les chevilles de Rihr, pour l'empêcher de la saisir. Il se releva, et attrapa la balle au rebond. Mais il fut projeté en l'air par un coup de corne d'Angélique, qui avait fini de brouter.

On transporta Asim derrière les buts de St Marcelin, dans la zone appelée "Agonisorium", où une jarre de vinaigre sucré et poivré était à sa disposition pour récupérer. L'arbitre Ocirage vint constater qu'Asim était bel et bien hors-service, puis lui désigna un remplaçant : Ampassan-Parlat.

Aussitôt la partie reprit. Chaque équipe avait délégué un joueur auprès d'Angélique pour l'occuper : Périf et Scoubidoubi. Mais la bestiole n'avait pas l'intention de se laisser dicter sa conduite : ignorant Périf et Scoubidoubi, elle se précipita vers le monticule formé par les dix-huit autres joueurs qui se battaient. Dans le lot, certains cognaient à l'aveuglette, d'autres pelotaient les joueuses sous le couvert de chercher la balle. Angélique escalada le tas et piétina tout le monde consciencieusement et avec une allégresse de bon aloi.

Le public rugit de plaisir et hurla : "Angélique, président ! Angélique, président !"

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Il fallut toute la persuasion de l'arbitre, de Périf et de Scoubidoubi pour qu'elle daigne en descendre. Sous le monticule, on retira Aniot, lequel avait sérieusement dégusté, ayant eu sur le râble, pendant trois minutes, deux tonnes de chichourleurs bagarreurs et de vachette en folie. On le transporta à l'écart dans l'agonisorium où il rejoignit Asim, lequel sortait peu à peu du brouillard. Ocirage vérifia qu'il était bien mouché comme une chandelle, puis lui désigna un remplaçant : Bibopa.

Le jeu reprit avec une vigueur décuplée, sous les vivats des spectateurs. Des yeux furent pochés, des cervelles commotionnées et quelques muscles abdominaux froissés. L'équipe de Tiquebeux inaugura toute une panoplie de mouvements inédits, dont certains se révélèrent payants. Par exemple, à la cent dix-neuvième minute du jeu, alors que Lamaire fonçait vers le but de Tiquebeux pour égaliser, son attention fut attirée par Dreizwei et Onvoitaku, allongés dans l'herbe sur la droite, en train de simuler un coït. Dans les tribunes, c'était du délire. Lamaire s'arrêta de courir, interloqué.

- Ça alors ! fit-il. Faut oser !

Déjà, Gossak se ruait sur lui pour lui arracher le ballon. Mais Angélique fut la plus rapide : Lamaire fit un magnifique soleil et se retrouva dans l'agonisorium, en compagnie d'Asim et d'Aniot. Pendant ce temps, Dreizwei et Onvoitaku se relevèrent en souriant, heureux du tour qu'ils venaient de jouer aux Marcepoulairois. Gossak s'était bien sûr saisi du ballon et avait marqué. Score : quatre à deux pour Tiquebeux. L'arbitre Ocirage siffla la fin du jeu.

Tiquebeux Ă©tait champion !

Les deux équipes portèrent Ocirage en triomphe et allèrent le jeter dans la Poulaire, comme le voulait la tradition.

- On aurait dĂ» gagner ! grommela Dufermage. Le gazon Ă©tait trop glissant.

- Et il y a trop de fumelles dans notre équipe ! grinça Pichon. Ça ne fait pas le poids, on est handicapés. Il faudrait revenir aux fondamentaux : deux fumelles ça va. Trois fumelles, bonjour les dégâts...

Alors que le public évacuait les gradins, les éclopés des deux équipes quittaient l'agonisorium en claudiquant vers les vestiaires. Tous, sauf un : Pascal Aniot, le "latéperf" (latéral-perforateur) de St Marcelin. Il était exactement là où on l'avait posé, et n'avait pas bougé d'un poil depuis.

Tchékov, le médecin-soigneur de l'équipe de St Marcelin, se pencha sur Aniot et glissa son stéthoscope sous le maillot. Mais immédiatement, il retira sa main : elle était poisseuse de sang. Tchékov remonta le maillot du joueur : aucun doute, Aniot était mort d'une balle tirée en plein coeur !





Les choses s'accélérèrent ensuite. Sous l'épaule gauche du malheureux Aniot, les gendarmes découvrirent un petit 6.35 muni d'un silencieux. Sans doute l'arme du crime. La crosse et la détente avaient été recouvertes de sparadrap collant, empêchant tout relevé d'empreintes digitales. Les numéros de série avaient été limés. Ces deux détails prouvaient la préméditation au-delà du moindre doute.

On fit venir la section scientifique de la police judiciaire de Bourac afin de vérifier s'il restait des résidus de poudre sur les mains des seules personnes qui avaient pu approcher Aniot : les joueurs des deux équipes et l'arbitre. Mais les tests se révélèrent négatifs.





Dès le lendemain, la presse régionale et nationale s'abattit sur St Marcelin comme la vérole sur le bas clergé. C'était encore mieux que l'affaire Erignac !

- Personne n'a rien vu ni entendu, expliqua Germain Poileux. Le crime a été commis sous les yeux de cinq mille fans de chichourle, et on ne sait même pas si Aniot a été tué sur le terrain ou alors qu'il était dans l'agonisorium ! Les joueurs de St Marcelin portaient des maillots rouges, ce qui a fait que personne ne s'est rendu compte qu'il perdait son sang.

- Monsieur le maire, fit un journaliste de Canal Plus, cet Aniot était-il d'origine maghrébine ou africaine ? Etait-il de gauche ?

- Non, il était Français de souche. Et plutôt centriste, d'après ce que je sais.

- Dommage...

Un reporter de TF1 enchaîna :

- Monsieur le maire, Aniot avait-il déjà eu maille à partir avec la racaille locale ?

- Il n'y a pas de racaille locale. Et Aniot n'avait d'ennuis avec personne, Ă  ma connaissance.

- Dommage...

Tous les médias firent leurs choux gras de l'affaire. Les jours passaient, mais elle était toujours à la Une.

Le Figaro : "Un père de famille, M. Aniot, assassiné pendant un match de tennis".

Libération : "Pascal Aniot, un anti OGM, abattu pendant une course cycliste".

L'Humanité : "Pascal Aniot n'était pas membre du PCF. Mais il aurait mérité de l'être."

Paris-Match : "Le jour oĂą ma soeur a failli dire oui Ă  Pascal Aniot; par Ella CĂ©zours, soeur de l'ex-petite amie de la victime".

Gala : "Quel lourd secret amoureux entoure la mort de Pascal Aniot ?"

Le Parisien : "Si Nicolas Sarkozy avait fait son travail, ça ne serait pas arrivé, affirme François Hollande."

Le Canard Enchaîné : "Qui a sacrifié l'Aniot Pascal ?"

Femme d'aujourd'hui : "Le livre secret des recettes de Pascal Aniot : cette semaine, le boeuf miroton".

Point de Vue / Images du Monde : "Pascal Aniot Ă©tait-il le descendant secret de Louis XVII ?"

GĂ©o : "Balades champĂŞtres dans le Grimouillirois, sur les traces de Pascal Aniot".

Psychologies : "Affaire Aniot : Nostradamus l'avait prédit !"

L'Equipe : "S'il avait joué au rugby, il serait encore vivant ! affirme Bernard Laporte".

L'Auto-Journal : "Exclusif ! Le tuning de la Renaulf Fuego de Pascal Aniot".

Marianne : "Des révélations !!! (Bientôt, dans les prochains numéros de Marianne.)"

Entrevue : "Pascal avait un tout petit pénis !"

Closer : "Pascal avait un pénis énorme !"

Le Nouvel Observateur : "Affaire Aniot : curieux mutisme de l'Elysée".

H for Men : "Tendances : se coiffer comme Pascal Aniot. Nos conseils."

France-Dimanche : "J'ai tout vu, mais je ne dirai rien", par Jean Peste, ouvrier agricole.


Les délires de la presse avançaient, mais l'enquête, elle, piétinait.

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